DÉCRYPTAGETout comprendre de la vraie-fausse interview de Sarkozy

Tout comprendre de la vraie-fausse interview de Sarkozy

DÉCRYPTAGE'ex-chef de l'Etat fait des confidences à un journaliste qui les publie, elles font polémique, il s’en étonne...
Maud Pierron

Maud Pierron

Sarkozy signe son retour dans l’arène politique avec son entretien à Valeurs actuelles? Alors c’est à l’insu de son plein gré, serait-on tenté de dire, vu les réactions que l’article, diffusé mercredi et publié jeudi, a provoqué chez les chef de l’Etat et ses proches… Du moins à en croire des confidences là encore distillées – rapportées – par un entourage plus ou moins identifié. Si vous avez loupé un épisode, 20 Minutes fait le point pour vous.

Mercredi matin, France Info et l’AFP relaient «en exclusivité» une «interview qui ne dit pas son nom» de Nicolas Sarkozy dans Valeurs actuelles, hebdomadaire de la droite conservatrice. Et badaboum, tous les médias relaient ces propos dans lequel il tance François Hollande, l’intervention française au Mali, le mariage pour tous, la droite, et surtout, confie qu’il sera peut-être «obligé», «par devoir» de revenir en 2017. Il faut dire que le chef de l’Etat avait érigé en stratégie politique sa cure de silence médiatique depuis sa défaite le 6 mai dernier. Moins il parle, plus il monte dans les sondages. Certes, la presse relaie souvent des propos de l’ex-président mais ils sont toujours rapportés par des «proches» - très souvent Brice Hortefeux, ce n’est jamais lui qui parle directement et officiellement. La seule fois que c’est arrivé, c’était au cœur de l’été dernier, par voie de communiqué, pour critiquer l’action de François Hollande dans le dossier syrien.

Depuis, c’était silence radio. D’où l’écho rencontré par cet article présenté comme une interview, «ce qu'il n'est pas», souligne un proche collaborateur de l’ex-président au JDD.fr. Dans la forme, effectivement, il s’agit d’un long article qui met toutefois en scène des citations de Nicolas Sarkozy, rapportées par son interlocuteur, Yves de Kerdrel, le directeur général de Valeurs actuelles. Sauf que mercredi, la majeure partie des journalistes n’ont pas eu l’article entre les mains puisque l’hebdomadaire ne sort que le jeudi. François Dorcival, vice-président du magazine explique de son côté à France inter, dans une formule alambiquée, qu’«il s'agit de propos rapportés de la bouche de Nicolas Sarkozy» car l'ancien président «veut se garder d'intervenir parmi d'autres politiques».

Du bon usage du off

D’après une confidence d’un collaborateur de Nicolas Sarkozy au JDD.fr, le chef de l’Etat lui-même a été «abasourdi» que ses paroles sortent dans la presse. Alors que s’est-il passé? D’après le site du Point, Nicolas Sarkozy s’est laissé convaincre par Patrick Buisson, l’un de ses proches collaborateurs du temps de l’Elysée, de parler à Valeurs actuelles. Dont Patrick Buisson fut un temps directeur de la rédaction. «Pour l'occasion, un déjeuner a été organisé il y a une dizaine de jours. Devant notre confrère Yves de Kerdrel, l'hôte s'est montré tel qu'en lui-même: spontané, vachard, moqueur, quand il s'est agi de commenter l'action de François Hollande et l'état de la droite», raconte Lepoint.fr. Pour «une partie de l’équipe de Nicolas Sarkozy», c’est bien «Patrick Buisson [qui] est le coupable tout désigné de cette interview fiasco», rapporte leJDD.fr, qui cite un proche de Nicolas Sarkozy: «Buisson est fou, on ne va pas pouvoir continuer comme ça avec lui». Le site de l’hebdomadaire du dimanche précise que Patrick Buisson a été en contact avec la rédaction de Valeurs actuelles pour valider le contenu de l’interview. Qui, au passage, fait polémique jusque dans les rangs de la droite. «Ce procédé est inacceptable et grossier. Nicolas Sarkozy n'a jamais demandé une interview et vous imaginez bien qu'il ne la fera pas en catimini dans Valeurs actuelles», explique un collaborateur de Nicolas Sarkozy au JDD.fr.

D’après des confidences d’un journaliste de la rédaction à lexpress.fr, la rencontre Sarkozy-Valeurs actuelles était au programme depuis «un certain temps, mais les choses se sont accélérées». Si elles se sont accélérées, c’est donc que Nicolas Sarkozy et son équipe jugeaient opportun de revenir sur le devant de la scène. En effet, François Fillon a annoncé qu’il se préparait pour 2017 et que désormais face à cette échéance, à droite, tout le monde «revient au même niveau», y compris Nicolas Sarkozy. Ce qui a passablement agacé l’ex-président et l’a peut-être poussé à la faute.

Mais sur le fond, que peut-on dire de ses déclarations? La défense fournie par l’équipe de Sarkozy est pour le moins surprenante. Aucun des propos rapportés ne sont démentis, pas même ceux sur les homosexuels, ils n’étaient juste pas destinés à «sortir». Le même collaborateur cité un peu plus haut explique tout simplement au JDD.fr: «Il y a eu beaucoup trop de citations qui n'étaient pas destinées à être publiées.» D’après les informations du JDD.fr toutefois, «l’ancien président s’attendait à un article plus court, comprenant quelques confidences», ce qui atteste que le chef de l’Etat a volontairement voulu que ses propos soient rapportés par Valeurs actuelles. Peut-être sous la forme de off. La discussion devait rester privée, assure pourtant France inter tandis qu’un journaliste de Valeurs actuelles assure à l’Express.fr: «Il nous a (…) autorisés à en dire un peu plus que les autres médias». Il semblerait que Nicolas Sarkozy se soit fait prendre à son propre jeu avec les médias. Au final, le nœud de l’histoire, c’est peut-être, comme le souligne Lepoint.fr que «les citations retenues renvoient l'image d'un Sarkozy sous son pire jour: égocentrique, familier, frontal. En somme, celui que les Français ont sanctionné». D’où l’agacement du clan Sarkozy et peut-être du chef de l’Etat lui-même. Du moins l’agacement rapporté. Jusqu’à ce qu’il soit peut-être démenti un peu plus tard par d’autres proches…