Les agents de l’environnement, une espèce en voie de disparition?
REPORTAGE•Les «flics de la nature» dénoncent un manque de moyens en plein débat sur la loi biodiversité…Audrey Chauvet
De notre envoyée spéciale à Gap (Hautes-Alpes)
NB: Les personnes citées dans cet article le sont au titre de leur appartenance au Syndicat national de l'environnement (SNE-FSU)
Ils portent un macaron bleu-blanc-rouge, une arme à la ceinture et ont le pouvoir de verbaliser. Mais leur seule cause à défendre, c’est l’environnement. Les agents de l’Office nationale de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), des Parc nationaux ou de l’Agence des aires marines protégées sont les « flics de la nature » : méconnus et pourtant indispensables à l’application des lois sur l’environnement, ils manifesteront ce jeudi à Paris, Nantes, Lyon et Montpellier pour dénoncer un manque de moyens et l’incertitude qui plane sur les missions de la future Agence française pour la biodiversité (AFB) contenue dans le projet de loi biodiversité qui devrait voté à l’été 2016.
Le grand écart
Les chasseurs connaissent bien les agents de l’ONCFS : ce sont eux qui délivrent les permis de chasse et verbalisent les infractions. Ce sont aussi eux qui doivent surveiller que des quads ne se baladent pas n’importe où, que des feux ne sont pas allumés dans des zones à risque, que les espèces protégées ne sont pas victimes de braconniers… « Il y a 25 ans, nous étions des gardes-chasse, se souvient Dominique Melleton, chef du service départemental des Alpes de Haute-Provence de l’ONCFS. Nos missions ont évolué vers plus d’expertise ».Sondage de neige dans le Parc national des Ecrins. (M.Corail-Syndicat National de l'Environnement)
Dans certaines régions, l’ONCFS a des missions spécifiques, comme dans les Hautes-Alpes où les agents sont en charge des constats de dommages aux troupeaux lorsque des loups attaquent des brebis. « On nous demande de faire le grand écart entre la protection des espèces sauvages et des travaux qui nous prennent beaucoup de temps mais qui devraient relever du ministère de l’Agriculture », déplore Dominique Melleton.
>> A LIRE AUSSI: Abattre des loups, un «remède pire que le mal»
« La biodiversité va y perdre »
Les autres corps de métiers dépendant du ministère de l’Ecologie ont aussi vu leurs missions se diversifier : les agents des Parcs nationaux, non contents de remplir leur rôle traditionnel de surveillance, de veille écologique et d’animation des parcs, ont aussi hérité de missions de « développement local » qui consistent à travailler avec les agriculteurs et les établissements touristiques. « Mais nous devons maintenant trouver des financements pour les mesures de préservation de la biodiversité », explique Michel Bouche, technicien patrimoine pour le secteur Embrunais au Parc national des Écrins.
Travaux sur un sentier au Parc national des Ecrins. (M.Corail-Syndicat National de l'Environnement)
« Nous sommes passés de la "police de l’hameçon" à des expertises techniques et scientifiques pointues » : à l’Onema aussi, les missions des agents n’ont plus grand-chose à voir avec celles des anciens gardes-pêche. « Nous rendons des avis techniques, des dossiers d’autorisation d’installations, nous participons aux comités sécheresse… Notre plus-value, c’est d’être présent sur le terrain et nous avons de moins en moins de temps pour ça », explique Yannick Pognart, inspecteur de l'environnement à l’Onema. « A terme, la biodiversité va y perdre ».Inventaire entomologique au Parc national des Ecrins. (M.Corail-Syndicat National de l'Environnement)
Revalorisation des métiers
Au sein du Syndicat national de l’environnement (SNE-FSU), tous les corps de métier s’accordent à dire que les moyens, humains et matériels, qui leurs sont alloués sont en chute libre. Ils assurent que les recrutements se font de plus en plus rares et les évolutions professionnelles ne sont pas à la hauteur des compétences. « Il y a un profond décalage entre ce que nous faisons et ce que nous devrions faire si l’on s’en tenait à notre statut d’exécutant », ajoute Yannick Pognart. A l’ONCFS, 90% des agents étaient classés en catégories B ou C en 2013, d’après le bilan social de l’office.
Tous estiment que leurs missions vont bien au-delà de ce grade et s’inquiètent de ce que leur réserve la création de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) qui regroupera plusieurs corps de métier de l’environnement. « On va construire l’AFB avec les personnels existants mais nous aurons beaucoup plus de missions que celles des établissements actuels, explique Patrick Saint-Léger, secrétaire général adjoint du syndicat SNE-FSU. Les moyens sont déjà insuffisants, en termes humains et financiers, et nous craignons que cela ne soit encore pire. »