EXPEDITIONLes secrets des océans décodés par l'expédition Tara

Les secrets des océans décodés par l'expédition Tara

EXPEDITIONLa goélette a commencé son tour du monde en septembre 2009 et arrive à la fin de son périple avec des découvertes sur la biologie marine plein les cales...
Audrey Chauvet

Audrey Chauvet

De Lorient à San Diego, où la goélette est actuellement amarrée, l’expédition Tara Océans a recueilli depuis deux ans une quantité de données scientifiques impressionnante. 500 prélèvements d’eau, 102 sites coralliens étudiés, 6,5 millions de gènes identifiés, le tout avec 100 scientifiques impliqués: les océans n’ont pas encore livré tous leurs secrets mais on connaît un peu mieux les êtres vivants qui l’habitent.

80% de la vie sur la planète est dans les océans

«Le but de l’expédition est de trouver de nouveaux organismes et d’identifier des milliers de nouveaux gènes pour comprendre le fonctionnement biologique de la planète», rappelle André Le Bivic, directeur de recherche au CNRS. «Le plancton représente 80% de la vie sur la planète, explique Eric Karsenti, co-directeur de Tara Océans. Et 80% de ce plancton est constitué de micro-organismes.» Pour mieux connaître les bactéries, virus, protistes ou métazoaires qui peuplent les océans, Tara Océans a fait escale dans 133 stations autour du globe. A chaque fois, les prélèvements d’eau ont été étudiés de près, à bord ou dans les laboratoires associés à Francfort, en France, en Espagne et aux Etats-Unis.

«Nous avons pu quantifier les virus par exemple, précise Eric Karsenti. Il y a entre un million et 100 millions de virus géants par litre d’eau de mer.» Les micro-organismes ont ensuite été passés au «Genoscope» afin de décoder leurs séquences d’ADN. «Nous avons identifié 6,5 millions de gènes rien que sur trois stations en Méditerranée», explique Jean Weissenbach, directeur du Genoscope, le centre national de séquençage. La plupart des gènes observés sont totalement inédits et codent des fonctions encore inconnues: le phytoplancton pourrait avoir des capacités insoupçonnées…

L’équilibre des océans en relation directe avec la terre

Les scientifiques ont également étudié les effets d’un changement de l’environnement sur les organismes marins. Et en particulier sur les coraux, marqueurs naturels du réchauffement climatique: «Sur les sites étudiés, nous avons étudié le stress auquel sont soumis les coraux et comment ils y réagissent», explique Stéphanie Reynaud, chargée de recherche au centre scientifique de Monaco. Et en premier lieu, l’acidification des océans, due à la quantité de CO2 croissante qu’ils absorbent, pourrait modifier radicalement les écosystèmes. «Nous avons étudié les écosystèmes qui réussissent à vivre dans une région pauvre en oxygène de l’océan Indien, car ces conditions pourraient se généraliser avec le réchauffement, explique Eric Karsenti. Nous avons aussi étudié les cyclones d’Agulhas, ces cercles de courants qui assurent le transfert des organismes entre les océans Indien et Atlantique au sud de l’Afrique. Ils permettent de voir comment ces organismes s’adaptent à un changement de milieu.»

Car les océans ne vivent pas en circuit fermé: fortement influencés par leur environnement, ils peuvent en pâtir mais aussi en bénéficier. Ainsi, aux Iles Marquises, l’océan Pacifique est «fécondé» par la terre: «C’est une région où les eaux sont pauvres en chlorophylle. Mais à l’ouest des îles, on constate que le fer et les nutriments relâchés par la terre a permis un développement des organismes marins», poursuit Eric Karsenti.

Le tour du monde de Tara Océans s’achèvera en mars 2012. D’ici là, la goélette passera notamment par le golfe du Mexique, New-York et les Bermudes. Elle regagnera le port de Lorient, mais ses découvertes occuperont encore les scientifiques pendant plusieurs années.