ENVIRONNEMENTDéchets: Un décret ravive la flamme de l'incinération

Déchets: Un décret ravive la flamme de l'incinération

ENVIRONNEMENTLe Grenelle II prévoyait de limiter l'incinération des déchets en France à 60% du volume collecté. Mais le décret d'application précise quelques exceptions qui remettent en cause cette ambition...
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

Alors que le Grenelle II prévoyait de limiter la capacité d’incinération et d’enfouissement des déchets à 60% du volume des déchets collectés, le décret d’application, paru au Journal officiel le 12 juillet dernier, remet fortement en cause cette ambition. L’article 10 précise en effet que «la capacité annuelle des départements ne peut être supérieure à 60% de la quantité des déchets produits, sauf dans le cas où le cumul des capacités des installations d’incinération et de stockage en exploitation est supérieur à cette limite.» Un «sauf» qui change tout.

En France, l’incinération représente 30% du traitement des déchets ménagers, soit 13 millions de tonnes de déchets incinérés, l’enfouissement un peu moins de 30%.

«Le projet est vidé de sa substance»

«Le projet de décret qui nous avait été communiqué stipulait que les départements n’avaient pas le droit d’être au-dessus des 60%. Il y a une grande différence avec le texte publié le 12 juillet», s’insurge Delphine Lévi Alvarès, chargée de mission «incinération» au Cniid (Centre national d’information indépendante sur les déchets). «Nous trouvions déjà que cet objectif de 60% n’était pas très ambitieux, mais là il est totalement vidé de sa substance.» Le ministère de l’Environnement se justifie en assurant que juridiquement la capacité d’incinération est un droit acquis.

Du côté d’Amorce (association nationale des collectivités, des associations et des entreprises pour la gestion des déchets, de l’énergie et des réseaux de chaleur), on est plus nuancé. «On peut difficilement demander à un territoire dépassant les 60%, de diminuer la capacité de ses usines. C’est tout l’équilibre financier de ces structures qui serait remise en cause» estime Nicolas Garnier, délégué général de l’association. «Ce qui nous interpelle le plus dans ce décret, c’est qu’au final il comptabilise dans ces 60% les déchets des entreprises et du BTP, sur lesquels les départements n’ont pas de prise, en plus des déchets ménagers. Cela va amener de grosses disparités d’un département à l’autre.»

A travers ce texte de loi, c’est le mode même de l’incinération qui fait débat. Ce système, particulièrement prisé en France, est source de polémique, surtout depuis certains scandales sanitaires dus aux rejets de dioxines dans l’air il y a quelques années. Le SVDU (Syndicat national du traitement et de la valorisation des déchets urbains et assimilés) affirme que ces rejets ont diminué de 99% entre 1995 et 2006 avec les nouveaux incinérateurs, et que ceux-ci sont désormais pourvus de systèmes de valorisation énergétique. Le parc d’incinérateurs fournirait ainsi 2,6% de la production d’électricité renouvelable en France, et représente 23% du mix énergétique des réseaux de chaleur.

«Un tiers des départements bientôt en manque de structures»

Le Cniid estime au contraire que l’incinération est un cercle pernicieux. «Avec l’incinération on s’enferme dans un système qui empêche de faire tout autre choix. La durée de vie des usines étant d'au moins 40 ans, cela veut dire qu’on ne compte pas réduire la production de déchets durant cette période. Or, seulement 9% de ce qui se trouve dans nos poubelles ne peut avoir actuellement d’autre destination que l’enfouissement ou l’incinération. Tout le reste est potentiellement réutilisable ou recyclable» assure Delphine Lévi Alvarès. Quant à la valorisation énergétique, elle estime qu’il s’agit ni plus ni moins que de «brûler des ressources ce qui nécessitera de re-fabriquer le même produit et le transformer par un processus industriel énergivore.»

Pour Nicolas Garnier «il ne serait pas raisonnable d’empêcher la construction de nouvelles usines, au regard des déchets produits actuellement.» Amorce estime que la part des déchets non recyclables «restera aux alentours d’un tiers pendant encore plusieurs années, et il est tout de même plus intelligent de transformer cette matière en énergie que de la stocker.» A l’inverse, l’association alerte sur la situation en France: «un tiers des départements vont bientôt être en manque de structures d’accueil pour les déchets.»