VITICULTURELes viticulteurs à la chasse aux papillons pour protéger leurs récoltes

Les viticulteurs à la chasse aux papillons pour protéger leurs récoltes

VITICULTUREOnze propriétés de Pomerol vont perturber la sexualité des papillons nuisibles grâce à des diffuseurs de phéromone, pour empêcher leur reproduction...
A Bordeaux, Marion Guillot

A Bordeaux, Marion Guillot

Des diffuseurs de phéromones pour remplacer les pesticides. À Pomerol, onze propriétés viticoles ont décidé de remplacer le traitement chimique classique par une méthode biologique, qui consiste à bloquer l’accouplement des papillons nuisibles.

Pour ce faire, les viticulteurs accrochent dans les rangs de vignes des diffuseurs de phéromones (molécules odorantes sécrétées par les femelles papillons, qui servent à attirer les mâles). «Ces diffuseurs saturent l’air en odeurs, si bien que les mâles sont incapables de trouver les femelles», explique Denis Thiery, spécialiste de la méthode, dite de «confusion sexuelle», à l’Inra (Institut national de recherche agrnomique) de Bordeaux. La méthode, homologuée depuis 1995, a déjà fait ses preuves en Champagne, en Suisse ou encore en Allemagne.

«Parfois c’est du jus de chenilles qui sort au pressoir»

Deux espèces de papillons – Eudémis et Cochylis – sont visées. Lorsqu’elles prolifèrent dans les vignes, leurs œufs donnent naissance à des milliers de petites chenilles, qui dévorent les baies de raisins et ravagent les récoltes. «Les grosses années, on peut avoir jusqu’à dix larves par grappe, et au pressoir c’est du jus de chenilles qui sort», plaisante à moitié le spécialiste de l’Inra. D’où la nécessité d’agir dès le printemps, période de reproduction des insectes. «Se mettre à plusieurs permet aussi d’être plus efficaces, car nos parcelles sont très morcelées», ajoute Jean-Michel Bernard, chef de culture du château Mazeyres, à Pomerol.

Mais ce traitement bio occasionne un surcoût: «environ 100 € de plus par hectare, par rapport aux pesticides», indique un propriétaire. C’est l’une des raisons pour lesquelles la méthode reste encore marginale en France. À l’heure actuelle, seuls 5.500 hectares du vignoble bordelais, sur 120.000 au total, utilisent la «confusion sexuelle». Les appellations qui y ont recours sont plutôt prestigieuses (Sauternes, Graves, Médoc et Pomerol). Le député UMP de la Gironde, Jean-Paul Garraud, a assuré hier qu’il plaiderait auprès du ministre de l’Agriculture pour que des aides soient mises en place «pour couvrir ce surcoût».