L'avenir du protocole de Kyoto se joue à Cancun
CLIMAT•Le seul accord pour lutter contre le réchauffement climatique arrive à expiration en 2012…Audrey Chauvet
En 1997, à Kyoto au Japon, la communauté internationale applaudissait la naissance d’un protocole destiné à limiter les émissions de gaz à effet de serre. Premier du genre, le protocole de Kyoto reste le seul accord contraignant qui oblige les pays industrialisés, à l'exception des Etats-Unis qui ne l'ont pas ratifié, à réduire leurs émissions de GES d'ici à 2012 d'au moins 5,2% en dessous de leurs niveaux de 1990.
La première période d’engagement arrive à expiration en 2012: qu’adviendra-t-il de ce traité international, vivement critiqué pour ses mécanismes financiers et les échappatoires qu’il laisse aux pays développés? Le sommet de Cancun devrait trancher sur la prolongation du traité, avec des modifications nécessaires, ou sur une transformation plus profonde des mécanismes de régulation des émissions de CO2.
Deux grands absents: les Etats-Unis et la Chine
Les pays ayant ratifié le protocole, en particulier le Japon, le Canada et la Russie, ne sont pas favorables à une seconde période d’engagement. Seule l’Union européenne accepterait une prolongation, à condition qu’un accord juridique contraignant soit conclu par tous les pays du monde.
Car le protocole de Kyoto a un défaut majeur: les deux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre au monde, Etats-Unis et Chine, ne sont pas traités comme ils devraient l’être. Les Etats-Unis n’ont pas ratifié le protocole et l’échec de Barack Obama aux élections de mi-mandat compromet fortement la possibilité que le second émetteur mondial de gaz à effet de serre s’engage sur des objectifs chiffrés de réduction des émissions. Autre anachronisme du système: la Chine fait encore partie des pays «en développement» non tenus de diminuer leurs émissions.
Conserver les mécanismes financiers et abandonner les objectifs de réduction?
Pour le Réseau action climat France, le protocole de Kyoto n’est toutefois pas à jeter à la poubelle: «Il est indispensable de continuer les négociations et de consolider les instruments déjà à notre disposition et qui fonctionnent, sans attendre les retardataires». Les associations membres du réseau appellent toutefois à une modification des mécanismes de développement propre, une meilleure comptabilisation des émissions et une régulation des quotas alloués.
Le désaccord entre l’Europe et les autres pays développés signataires du protocole laisse penser qu’aucune décision ne sera prise pour une seconde période d’engagement, souhaitée par les pays en développement. «Il est tout à fait possible de conserver l’ossature du protocole, à savoir le système de marché, mais d’abandonner les engagements chiffrés», commente Emmanuel Guérin, directeur de programme Climat à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales). Voire même d’inclure dans le marché la reforestation et les terres agricoles.
Un système de marché pour réguler le climat
Ratifié par 183 pays, le protocole de Kyoto est basé sur un système de marché: en donnant une valeur au carbone et en allouant aux entreprises un quota à ne pas dépasser, le protocole a créé le premier marché du carbone où s’échangent les crédits. Malgré quelques secousses au démarrage (l’Union européenne ayant accordé trop de permis d’émissions aux entreprises), le marché semble aujourd’hui avoir trouvé un équilibre. Les entreprises du Nord peuvent y revendre leurs crédits non utilisés, forme de récompense pour avoir émis moins de CO2 que le niveau autorisé. Celles qui dépassent leur quota sont pénalisées financièrement et doivent racheter des crédits.
Les pays en développement ne sont pas tenus de réduire leurs émissions. Des «mécanismes de développement propre» (MDP) permettent aux pays développés de financer des projets industriels «verts» (énergie, traitement des déchets, agriculture,…) dans les pays du Sud en échange de l’attribution de crédits carbone. Des conditions contraignantes, posées par les Nations unies qui supervisent le système, ont freiné beaucoup de projets. Mais ce n’est pas forcément un mal selon les ONG: les MDP ne rapporteraient souvent pas grand-chose aux pays qui les hébergent et permettrait juste aux entreprises de se procurer de nouveaux crédits tout en développant leur business, notamment en Chine, où ont eu lieu un grand nombre de projets MDP.