PLANETELe bio victime de la guerre des prix?

Le bio victime de la guerre des prix?

PLANETELes agriculteurs bio ne veulent pas subir la guerre commerciale que se livrent les grandes surfaces...
Audrey Chauvet

Audrey Chauvet

Le bio à moins d’un euro, le panier bio le moins cher,... Les grandes surfaces ont bien compris que le bio était un marché porteur et s’y sont toutes engouffrées, en rivalisant sur les prix. Dans un communiqué publié ce lundi, la Fnab (Fédération nationale d’agriculture biologique) met en garde contre une «guerre des prix» qui pourrait, sous couvert de démocratiser le bio, le faire mourir.

Le producteur, variable d’ajustement du prix

«On a détruit l’agriculture en faisant baisser les coûts sous la pression des distributeurs, explique le président de la Fnab Dominique Marion à 20minutes.fr. Si on veut détruire ce qu’il reste de paysannerie, on peut faire un copier-coller de ce qu’on a fait avec l’agriculture conventionnelle». A savoir, encourager une production intensive à bas coûts, à grands renforts d’engrais et de pesticides, dont la survie n’est assurée que par les subventions de la PAC (politique agricole commune).

Les agriculteurs bio craignent d’être à leur tour la variable d’ajustement dans la politique de prix des grandes surfaces: «Le bio donne une image positive aux grandes surfaces, mais en coulisses elles prennent une marge de 40 à 45% sur le bio, plus que sur les produits conventionnels, rappelle Dominique Marion. La variable d’ajustement pour faire baisser les prix est donc le producteur. Alors qu’on manque de produits et de surfaces cultivées en bio, il n’est pas sain de baisser les prix, car cela signifie moins de paysans et plus d’importations de produits bio qui ne sont pas toujours produits dans des conditions sociales et environnementales optimales».

Un prix juste plutôt qu’un prix bas

La vision de prix «juste» plutôt que de prix bas est partagée par les consommateurs «responsables». «Il faut prendre du recul par rapport aux prix et aux politiques qui sont derrière, explique Hugues Toussaint, fondateur de l’association Bio Consom’acteurs. En bio, l’ensemble des parties prenantes veut une filière équitable. Derrière les prix bas du conventionnel, il y a souvent la délocalisation de la production et des subventions élevées».

La crainte des agriculteurs bio, comme des consommateurs, est de voir la production bio délocalisée: «Rapprocher le consommateur et le producteur, par les ventes à la ferme ou les Amap (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) participe de la réduction des prix, explique Hugues Toussaint. Il y a une schizophrénie des consommateurs à vouloir des prix bas et des emplois locaux bien rémunérés: nous préférons un prix équitable et des entreprises qui emploient correctement leurs salariés».

Une relation risquée entre bio et grande distribution

La relation entre le bio et la grande distribution est à double tranchant: Hugues Toussaint se déclare ainsi favorable au développement du bio «partout» et reconnaît aux grandes surfaces le mérite d’avoir fait connaître le bio. Mais il ne faudrait pas que les qualités du bio soient remises en question par des achats «au moins-disant».

Les agriculteurs bio ne souhaitent pas non plus se cantonner à une niche de consommateurs aisés. Selon la Fnab, le bio peut être accessible à toutes les couches sociales, si on «réoriente» les subventions: «Il faudrait réviser la PAC pour que ceux qui font des efforts pour le maintien d’une agriculture paysanne soient aidés. Il ne s’agit pas de plus d’argent pris dans la poche des citoyens mais d’une réorientation de ce qui est donné à l’agriculture», préconise Dominique Marion. Ce ne sera pas pour tout de suite: la Loi de modernisation agricole qui sera débattue à la rentrée à l’Assemblée nationale ne fait aucune référence à l’agriculture bio.