ENERGIELa France va-t-elle manquer d’électricité cet hiver ?

Avec 21 réacteurs nucléaires à l’arrêt, la France va-t-elle manquer d’électricité cet hiver ?

ENERGIEPlusieurs réacteurs nucléaires sont à l’arrêt…
Audrey Chauvet

Audrey Chauvet

Les 58 réacteurs nucléaires français ne répondront pas tous à l’appel cet hiver. Dans une lettre adressée le 10 octobre au PDG d’EDF, la ministre de l’Environnement Ségolène Royal s’inquiétait de la « sécurité d’approvisionnement » en électricité à la suite de la fermeture de plusieurs réacteurs. Si le président du groupe EDF s’est voulu rassurant, affirmant que tout était mis en œuvre pour s’assurer « qu’un maximum de réacteurs nucléaires seront en situation de fonctionner entre le début du mois de décembre et la fin du mois de février », il a néanmoins reconnu que la situation est « plus difficile qu’habituellement à cette période de l’année ».

Des anomalies en chaîne

A l’heure actuelle, 21 réacteurs sur les 58 que compte la France sont à l’arrêt, soit plus d’un sur trois. Sur ces 21 réacteurs, 15 sont en maintenance technique « planifiée », donc normale, mais 7 ont dû subir des tests sur leurs générateurs de vapeur, potentiellement défectueux. En effet, depuis la détection d’anomalies sur les générateurs fabriqués dans l’usine Areva du Creusot, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a exigé des inspections sur 18 réacteurs équipés par les générateurs en question. Six d’entre eux ont été autorisés à redémarrer, 7 sont en cours d’inspection et les 5 restants (2 à Fessenheim et ceux de Tricastin, Gravelines et Civaux) devront être testés dans les prochains mois. EDF s’est engagée à étaler la fermeture de ces cinq derniers réacteurs d’ici à la mi-janvier afin de ne pas provoquer de « trou » dans la production électrique.

Jean-Bernard Lévy, le PDG d’EDF, indique toutefois savoir « d’ores et déjà que 4 des 58 réacteurs français ne seront pas disponibles » et dit avoir « des incertitudes sur un maximum de 12 autres réacteurs ». Douze réacteurs nucléaires à l’arrêt, ce seraient 11 000 MW d’électricité en moins, ce qui oblige RTE (Réseau de transport d’électricité) à revoir tous ses calculs pour l’hiver.

En croisant les doigts pour qu’une vague de froid ne s’abatte pas sur la France : chaque degré de moins entraîne une consommation de 2 400 MW supplémentaires. Pour Charlotte Mijeon, du réseau Sortir du nucléaire, il est impensable de continuer à compter sur les 58 réacteurs français dans les prochaines années : « Plus un réacteur vieillit, plus il a besoin de maintenance, explique-t-elle. Cet hiver, la France ne devrait pas manquer d’électricité car elle peut en importer, avec le coût que cela implique, mais cela prouve l’extrême vulnérabilité du système énergétique français. »

Une addition salée

Pour pallier les défaillances du nucléaire, qui représente encore plus de 70 % de l’électricité produite en France, EDF peut compter sur d’autres sources d’énergie, dont les renouvelables : l’hydraulique, le solaire ou l’éolien. Néanmoins, la capacité installée à ce jour, 11,000 MW pour l’éolien et 7 000 MW pour le solaire, ne représente que 20 % de la consommation électrique.

Pour Damien Mathon, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables (SER), cette incertitude sur la capacité du nucléaire à répondre à la demande hivernale plaide en faveur de l’installation de sources d’énergie variées : « Cela souligne l’importance d’atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) dans l’éolien et le solaire en continuant de simplifier les démarches administratives pour l’installation et en tenant le programme d’appels d’offres », estime-t-il.

Avant d’avoir assez d’énergie venue du vent ou du soleil, la France pourra toujours pourvoir à ses besoins en électricité en achetant à ses voisins européens. Mais à quel prix ? Ces dernières semaines, les cours de l’énergie ont flambé, atteignant 90 euros le mégawattheure en période de pointe. Sans compter que chaque jour d’arrêt d’un réacteur nucléaire coûte un million d’euros à EDF. La France ne devrait pas connaître de black-out cet hiver, mais elle risque de le payer cher.