EXCLUSIF. Gaspillage: 16 milliards d'euros de nourriture jetés chaque année en France
CONSOMMATION•Une étude de l’Ademe dévoilée ce jeudi par « 20 Minutes » détaille qui jette quoi, du producteur au consommateur…Audrey Chauvet
Ce n’est qu’un fond de yaourt ou un trognon de pomme, mais ajoutés les uns aux autres, ils forment une poubelle géante : selon une étude de l’Ademe, publiée ce jeudi et que 20 Minutes a pu consulter en exclusivité, le gaspillage alimentaire représente 10 millions de tonnes de nourriture par an en France, soit un coût de 16 milliards d’euros. Ce gaspillage représente 15,55 millions de tonnes de CO2, l’équivalent de 3 % des émissions de gaz à effet de serre totales de la France et 5 fois plus que les émissions dues aux avions effectuant des vols intérieurs.
Gâchis à toutes les étapes
Ramenés à chaque Français, les aliments jetés ne pèsent pas lourd : 26 kilos par personne et par an, soit 30 grammes par repas pris à la maison et par convive. Mais si l’on y ajoute ce qu’on laisse dans les assiettes de la cantine (130 grammes par personne et par repas), les invendus des distributeurs, les pertes lors de la transformation des produits et la surproduction des agriculteurs, on obtient une quantité de nourriture gâchée suffisante pour nourrir 10 millions de personnes pendant un an, alors que « 6 millions de Français ne peuvent pas se nourrir correctement, en quantité et en qualité », rappelle Antoine Vernier, chargé de mission gaspillage alimentaire à l’Ademe.
Face à cet immense gâchis, il est impossible de désigner un seul coupable : les responsabilités sont partagées entre les différents maillons de la chaîne. Ainsi, sur les 10 millions de tonnes de produits perdus pour l’alimentation humaine, l’Ademe a évalué que les pertes avaient lieu à 33 % lors de la consommation, 32 % à la production, 21 % pendant la transformation et 14 % lors de la distribution.
Patates et salades à la benne
Les fruits et légumes sont les produits alimentaires les plus jetés dès leur sortie du champ : le tri des pommes de terre par calibre et par aspect génère beaucoup de pertes et environ 30 % des salades, qui s’abîment très facilement, ne passent pas la barrière de l’exploitation agricole. « Un agriculteur peut se protéger de la grêle ou des ravageurs, mais il dépend aussi du cahier des charges de ses clients, grossistes et distributeurs », note Antoine Vernier. Malgré les opérations en faveur des légumes ou des biscuits « moches », les grandes surfaces et les distributeurs jettent encore près de 1,4 million de tonnes de nourriture par an.
108 euros par an et par personne à la poubelle
C’est malgré tout en bout de chaîne, chez le consommateur ou dans la restauration collective, que les plus grosses pertes ont lieu. « En termes de valeur commerciale, le produit qui est passé par les étapes de transformation, transport et distribution cumule du travail, de l’énergie et vaut bien plus cher qu’un produit brut : le consommateur est ainsi responsable de 45 % des 16 milliards d’euros d’aliments jetés », chiffre Antoine Vernier.
Chaque Français met ainsi à la poubelle 108 euros par an et par personne. « Une part du gaspillage est peu visible : les fonds de tasse de thé, les restes de pain… Alors qu’il suffit d’y penser pour jeter moins : si je ne finis jamais les grosses pommes, j’en achète des plus petites, je cuisine de plus petites quantités pour ne pas jeter ou me forcer à finir, je remplis moins ma tasse… », conseille Antoine Vernier.
Des gestes simples à adopter
La campagne de l’Ademe « ça suffit le gâchis », lancée ce jeudi, vise justement à remettre à l’esprit des consommateurs qu’il suffit, pour réduire le gaspillage, de faire une liste de courses, de ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre à la cantine ou de ne pas acheter des produits en gros conditionnement si l’on n’est pas sûrs de tout consommer avant la date de péremption.
Les 20 foyers témoins qui ont été suivis par l’Ademe en 2014 ont ainsi réussi, avec des gestes simples, à réduire leur gaspillage de moitié et ont ainsi économisé près de 60 euros par personne et par an. « Nous sommes dans un modèle économique qui n’hésite pas à surproduire et jeter car cela ne coûte pas cher, commente Pierre Galio, chef du service consommation et prévention de l’Ademe. Pour le consommateur, il serait plus intéressant d’acheter moins pour jeter moins mais aussi pour consommer des produits de meilleure qualité. »
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