INTERVIEW«L’océan Austral capte une grande partie du CO2 de l’atmosphère»

«L’océan Austral capte une grande partie du CO2 que nous relâchons dans l’atmosphère»

INTERVIEWLe chercheur Hervé Claustre étudie l’océan Austral pour mieux comprendre les changements climatiques…
Audrey Chauvet

Propos recueillis par Audrey Chauvet

Au bout du monde, un océan froid, agité par les courants et les tempêtes, profond et inhospitalier, pourrait révéler de nombreux secrets aux scientifiques. L’océan Austral est difficile à explorer : les missions scientifiques en bateau ne peuvent pas partir n’importe quand et la vie à bord est rude. Mais l’étude de ces eaux polaires est cruciale pour comprendre l’évolution du climat : l’océan Austral capte une bonne partie des gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère par l’homme. Hervé Claustre, chercheur au laboratoire d’océanographie de Villefranche, présente ce mercredi à l’Institut océanographique les nouvelles techniques d’observation de cet océan.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à l’océan Austral ?

Il est crucial de le connaître car il capte une grande partie des excès de CO2 que nous relâchons dans l’atmosphère : sur les 25 % des émissions de gaz à effet de serre absorbés par les océans, l’océan Austral en prend à peu près la moitié. Or, nous n’avons pas beaucoup de mesures car c’est un océan rude et les océanographes ont souvent des difficultés à y aller en bateau.

Quelles techniques peut-on déployer aujourd’hui pour aller explorer cet océan ?

Jusqu’à présent, on a pu grâce aux efforts internationaux mettre des bateaux océanographiques, plutôt au printemps ou en été quand l’océan est favorable. Nous pensons donc que ces mesures sont biaisées car elles ont été essentiellement acquises pendant une seule moitié de l’année. Il faut des techniques alternatives, comme les robots, pour observer l’océan tout le temps et par toutes les saisons. Nous avons déployé des flotteurs profileurs remplis de capteurs qui mesurent plusieurs paramètres entre la surface et 2km de profondeur : température, salinité, quantité de phytoplancton et oxygène produit par ce plancton, luminosité,… Bientôt on pourra aussi mesurer le Ph, pour avoir une idée de l’acidification de l’océan.

Qu’allez-vous faire de ces données ?

Nous découvrons ce qui se passe dans l’océan Austral pendant l’hiver et on arrive à comprendre comment la température de l’eau influence le développement du plancton, qui est une véritable pompe à carbone. Ces données vont servir d’ici 1 à 2 ans pour mettre en place des modèles mathématiques qui permettront d’affiner les bilans de captation de CO2 par l’océan et de prédire l’état de la mer d’un point de vue physique et biologique.