INTERVIEWElizabeth Pastore-Reiss: «Il y a une fracture écologique en France»

Elizabeth Pastore-Reiss: «Il y a une fracture écologique en France»

INTERVIEWUn quart des Français disent se désintéresser de l’environnement, ce qui inquiète la directrice générale du cabinet GreenFlex…
Audrey Chauvet

Propos recueillis par Audrey Chauvet

Un Français sur quatre se fiche de sauver la planète. Alors qu’ils n’étaient que 15 % l’année dernière à se désintéresser des problématiques liées à l’environnement, ce sont 23,7 % des Français qui se disent « désengagés », selon l’étude menée par la société de services en développement durable GreenFlex, en partenariat avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). La directrice générale déléguée de Greenflex, Elizabeth Pastore-Reiss, s’inquiète de l’apparition d’une fracture écologique.

Comment expliquez-vous la forte progression du désintérêt des Français pour l’environnement ?

On observe une radicalisation des comportements. Il y a une plus grande proportion de gens qui en ont vraiment ras-le-bol du discours écolo et qui en ont marre de faire des efforts tous seuls. Ce sont davantage des hommes, plutôt des artisans et commerçants, ainsi que des chômeurs. Ils sont dans une situation d’insécurité économique et vivent dans le court terme. Même la santé n’est plus un moteur pour les inciter à changer leurs comportements.

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Parallèlement, l’étude souligne que les plus engagés se radicalisent aussi dans leur comportement écolo. Une fracture écologique est-elle en train de se former ?

Il y a une fracture écologique en France avec, d’un côté, des gens qui se désengagent par lassitude ou manque de moyens et, de l’autre côté, une catégorie de gens, plutôt des CSP + [catégories socioprofessionnelles élevées] et des métiers intellectuels, qui sont plus engagés, qui suivent et font les tendances comme l’économie du partage ou les circuits courts, qui veulent donner du sens à la consommation en achetant moins et mieux, qui sont curieux et veulent avoir des informations sur la traçabilité de ce qu’ils achètent… Il y a aussi une grosse différence qui se creuse entre les hommes et les femmes, ces dernières étant plus sensibles à la recherche de bien-être, aux valeurs humanistes… Ce sont les femmes, par exemple, qui tirent les ventes de tous les produits bio.

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Cette fracture est-elle inquiétante à quelques mois de la conférence sur le climat de Paris ?

C’est complètement inquiétant. La consommation n’est que le reflet de notre société et il faut maintenant veiller à ne pas dégoûter encore plus ceux qui en ont marre qu’on leur parle d’écologie. La COP21 risque de renforcer le scepticisme si les résultats ne sont pas au rendez-vous : on aura l’impression que c’est un « gros machin » qui ne sert à rien. Il faudra montrer concrètement des solutions, démontrer que la pollution n’est pas inéluctable et que tous les pays montrent que ça peut bouger.