«Les loups sont des animaux inquiets, donc des acteurs compliqués»
CINEMA•Le réalisateur a passé sept ans en compagnie des loups pour son film «Le dernier loup», en salle le 25 février…Audrey Chauvet
Jean-Jacques Annaud ne fait pas dans la demi-mesure: pour son prochain film, qui sort en salle le 25 février, il a réuni près de 500 techniciens pendant une année entière de tournage en Mongolie intérieure (Chine), 200 chevaux, 1.000 moutons et 25 loups, les héros du film. Après L’Ours en 1988 et Deux frères, sur des tigres, en 2004, le réalisateur s’est immergé dans une meute de loups pour adapter le best-seller de Jiang Rong, Le totem du loup.
Les loups, des «Patrick Dewaere»
Après sept années au contact des loups pour préparer et réaliser le film, Jean-Jacques Annaud en parle comme d’acteurs humains. «Les ours et les tigres sont des acteurs de films d’action qui ne craignent personne. Les loups sont plutôt des Patrick Dewaere: ce sont des animaux inquiets, donc des acteurs compliqués», sourit-il. Pas évident en effet d’obtenir le bon regard au bon moment, même si «l’animal est toujours juste»: «Pour le tournage, il faut mettre l’animal dans une situation qu’il comprend pour que de lui-même il agisse comme on le souhaite, explique le réalisateur. Si on a besoin qu’un loup soit interpellé par quelque chose, on va placer les caméras et faire en sorte que quelque chose, un mec qui passe en anorak rouge ou un cheval, le surprenne.»
Un tournage millimétré qui a été aidé par des barrières gommées à la postproduction et quelques scènes réalisées entièrement sur ordinateur. Mais elles sont rares: Jean-Jacques Annaud tient à être au plus près des animaux et a choisi de tourner en 3D pour que le spectateur ressente cette proximité. Une promiscuité, même, pour le réalisateur qui a collaboré avec un éleveur canadien pour disposer de trois générations de loups pour le tournage. «Le bébé le plus sympa n’a pas pu avoir de doublure car il a soudainement blanchi, raconte-t-il. Ce petit a donc joué tout le rôle.» Et cet acteur en herbe a connu un souci d’identification avec son personnage, comme certains grands comédiens: «Il a été très perturbé par une scène où il devait être hostile avec un homme. Il a fallu attendre deux semaines pour qu’il retrouve un comportement normal», se souvient le réalisateur.
«Ne pas déféquer sur le plateau»
Pas toujours facile de tourner avec de tels cabots, qu’il a fallu loger dans des bases gardées 24h sur 24 avec vigiles et grillages haut de 4 mètres pour empêcher les évasions mais aussi les vols de la part de bergers souhaitant rendre leurs chiens plus féroces en les croisant avec des loups. «Dans ces bases, il fallait une zone de restauration, des toilettes privées, une aire de jeux et une aire de répétitions. Il ne fallait pas qu’elles soient à plus de 30 minutes du plateau pour que les loups ne soient pas fatigués ou stressés en arrivant. Ils ont été chouchoutés comme des stars», poursuit Jean-Jacques Annaud. «Il arrivait qu’après avoir tourné une scène, nous les applaudissions et ils sentaient la joie de l’équipe.»
Les techniciens, eux, étaient soumis à une discipline stricte: pas un bruit et pas un geste pendant le tournage et surtout pas de nourriture dans la main ou les poches. «C’est le premier tournage pour lequel, sur la feuille de service, nous avions écrit: "Ne pas déféquer sur le plateau" pour ne pas que les loups aillent se rouler dans la crotte», s’amuse le réalisateur. Après le tournage, 17 loups sont retournés avec leur éleveur à Calgary, au Canada. «Nous avons des nouvelles, ils semblent très attachés à l’idée de continuer le tournage, sourit Jean-Jacques Annaud. Ils lèvent l’oreille et se rassemblent dès qu’ils entendent un camion passer, comme si on allait recommencer… C’est pour ça que je ne vais pas les voir, ça pourrait leur donner de faux espoirs».