ENVIRONNEMENTPourquoi les plages françaises disparaissent

Pourquoi les plages françaises disparaissent

ENVIRONNEMENTSi le sable disparaît sur les côtes françaises, ce n’est pas encore à cause du changement climatique…
Audrey Chauvet

Audrey Chauvet

Si cet été nous sommes serrés comme des sardines sur les plages amaigries du littoral français, ce ne sera pas encore la faute du réchauffement climatique.

Même s’ils anticipent des risques de submersion accrus en raison de la hausse du niveau des mers, les chercheurs précisent que cette élévation des eaux n’est pas encore la principale cause de disparition des plages: «L’évolution actuelle du trait de côte n’est pas encore liée au réchauffement climatique», affirme Goneri Le Cozannet, ingénieur et spécialiste de l’impact du changement climatique sur les risques côtiers au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Une goutte d’eau dans un océan d’autres phénomènes

Mais alors comment expliquer le recul de 3 millimètres des côtes en moyenne par an? Par «les tempêtes, l’érosion naturelle et l’urbanisation des côtes», précise Goneri Le Cozannet. Lorsque les villages s’agrandissent vers la mer, ils empêchent le recul naturel du sable qui finit donc par disparaître sous l’eau. Les tempêtes et les vagues œuvrent pour leur part à repousser le sable vers la terre. «Ces phénomènes masquent encore les effets de la hausse du niveau de la mer», note l’ingénieur du BRGM.

Le réchauffement climatique serait donc encore une goutte d’eau dans un océan d’autres phénomènes. Au Pays basque, les falaises qui reculent de 50 centimètres par an sont victimes d’une érosion naturelle. Aux Saintes-Marie-de-la-mer (Bouches-du-Rhône) , le recul du trait de côte est lié à l’entrée de la mer dans des zones délaissées par le delta du Rhône. Et lorsque la plage de Lacanau (Gironde) perd 5 à 10 mètres durant l’hiver 2014, ce sont les tempêtes qu’il faut accuser. «Le trait de côte a toujours bougé, Lacanau n’existait pas il y a 150 ans, le site était environ à 1km dans les eaux, chiffre Patrick Bazin, responsable du département de la Gestion patrimoniale d’appui à la gestion et à l’évaluation au Conservatoire du littoral. Les dunes ont depuis progressé sous l’effet de l’accrétion naturelle. On voit des évolutions spectaculaires dans un sens comme dans l’autre.»

Bientôt le déménagement?

Toutefois, le réchauffement climatique n’est pas balayé d’un revers de main par les chercheurs, qui ne contestent pas son impact futur. «Les marégraphes nous montrent déjà que le niveau de la mer a augmenté de 20 centimètres depuis 1870, note Goneri Le Cozannet. Selon les projections du Giec, nous avons deux chances sur trois que les mers montent de 50 centimètres à 1mètre d’ici à 2100.» Les risques de submersion seront alors accrus: prenant l’exemple de Palavas-les-Flots (Hérault), inondé par une tempête en 1982, les géologues estiment qu’avec une élévation de «seulement» 35 centimètres du niveau de la mer, la ville serait presque entièrement submergée en cas de gros coup de vent. «Avec une hausse de 50 centimètres, les probabilités de submersion sont multipliées par 10», précise Goneri Le Cozannet.

Les zones à risque sont connues: Languedoc-Roussillon et Vendée arrivent en tête des régions «basses» qui vont devoir s’adapter, et dont les habitants pourraient être obligés un jour de déménager. «Aujourd’hui, il est encore moins cher de protéger les villes que de les délocaliser, explique Patrick Bazin. Mais bientôt il faudra se demander ce qu’on défend. A Lacanau, il n’y a déjà plus de plage à marée haute, dans quelques années on peut penser qu’il ne restera qu’un rocher au milieu de l’eau. Il faudrait commencer à envisager un déménagement.»