« L’Esquive », le jeu du kif et de la tchatche
Le réalisateur Abdellatif Kechiche a mis treize ans pour concrétiser son rêve de « montrer autre chose de la cité que la misère ou la violence ». Une réussite à l’image et un succès d’estime en salle (300 000 entrées), qui pourrait être décuplé par les qu© 20 minutes
Le réalisateur Abdellatif Kechiche a mis treize ans pour concrétiser son rêve de « montrer autre chose de la cité que la misère ou la violence ». Une réussite à l’image et un succès d’estime en salle (300 000 entrées), qui pourrait être décuplé par les quatre césars obtenus samedi : meilleurs film, réalisateur, espoir féminin et scénario.Reprogrammé dans 66 salles en France, L’Esquive est un film remarquable sur la puissance de la parole, où la langue de Marivaux se télescope avec celle de la jeunesse d’aujourd’hui. Pas évident dans une cité où garçons et filles « s’en battent les couilles » du théâtre, « ce truc de pédé ». Et si Krimo va se plonger corps et âme dans les répétitions du Jeu de l’amour et du hasard, c’est uniquement pour déclarer sa flamme à la blonde Lydia, qu’il « kiffe » en secret depuis qu’elle lui a soutiré 10 e pour les retouches de sa robe.Lydia joue donc une bonne, « qui peut bien se la péter, puisqu’en réalité c’est une bourgeoise », mais Krimo se montre incapable de déclamer les mots doux d’Arlequin, ceux-là qui le rongent pourtant intérieurement...Faux-semblants et quiproquos d’un côté, orgueil et crainte du ridicule de l’autre, le méli-mélo s’entrechoque sur une partition d’un réalisme bluffant. Improvisation ? Non. « Tout était écrit à la virgule près, fautes de français comprises », nous avouait au moment de la sortie du film Sara Forestier, futur jeune espoir féminin, qui ne vient pas de banlieue, « mais de Paris 12e ». Stéphane Leblanc