Mikobi a mis 60 jours pour déposer son dossier complet
ENQUETE•Ce Congolais de 32 ans est arrivé en France le 30 novembre 2009...William Molinié
Sa vie ne se résume plus qu’à une longue file d’attente. Depuis qu’il est arrivé en France le 30 novembre 2009, Mikobi ne cesse de faire la queue. Au guichet de la préfecture, devant les centres d’accueil, pour trouver un hébergement ou de la nourriture.
Prendre son mal en patience
A 32 ans, Mikobi demande la protection de la France. Il assure avoir subi six mois de tortures dans un cachot militaire à Goma, au Nord Kivu, une région de l’Est de la République démocratique du Congo. Au motif qu’il récupérait les enfants enrôlés dans l’armée. «Je n’ai pas eu de procès dans les règles», s’offusque-t-il. Il a réussi à s’évader et rentrer en France grâce à un passeport emprunté. Et une enveloppe de plusieurs milliers de dollars, remis à son passeur. Ce dernier l’aurait même hébergé quelques jours en région parisienne. «Toi et moi, nous sommes quittes», lui a-t-il lancé avant de l’abandonner dans la capitale, le 8 décembre dernier.
Recueilli par une association d’aide aux réfugiés, il entame sa première démarche à la Préfecture de police (PP). Il doit s’y rendre pour déclarer sa présence aux services de l’Etat. Problème: seules vingt premières demandes d’asile sont enregistrées chaque jour. Il doit donc se trouver dans les premières places pour avoir une chance d’être reçu. Mikobi décide de se présenter la veille. Le 4 janvier, il s’installe donc devant l’annexe de la PP, boulevard Ney (18e). Il est 13h. Au fur et à mesure que la journée, puis la nuit, avancent, la file grossit. Au lever du jour, une centaine de personnes l’ont rejoint. Ils ont aménagé des abris de fortune avec quelques cartons, des couvertures de survie et des palettes de bois.
Vers 8h, les premiers policiers font leur apparition. Ils sont là pour encadrer les requérants et filtrer les entrées. «Aucune première demande ne rentre aujourd’hui. Revenez demain», ordonne froidement l’un d’entre eux. Mikobi, lui, ne bronche pas. «Hier aussi, les policiers avaient dit ça pour décourager les gens», se rassure-t-il. Sa détermination est payante car après dix-huit heures de patience, il est le premier à être reçu. Son rendez-vous durera trente minutes.
Porte-monnaie volé
Quand Mikobi ne fait pas la queue devant la préfecture, il occupe ses journées à trouver un lieu pour dormir. Il est régulièrement hébergé à la Boulangerie, une ancienne caserne du 18e, reconvertie en centre d’accueil. «Je sens que ça ne va pas, dans ma tête. Ce n’est pas facile. J’ai envie de crier, mais il faut que je sois fort», lâche-t-il en discutant avec le responsable du lieu. Bagarres, embrouilles rythment son quotidien. Il assure s’être fait voler son porte-monnaie. «Un gros problème pour moi, c’est les transports. Comment je peux les payer?», angoisse-t-il. A deux reprises, il s’est fait contrôler par des agents de la RATP, qui l’ont verbalisé. Un obstacle dont il se serait bien passé. «Maintenant je dois prendre rendez-vous avec une association pour rédiger une lettre et expliquer ma situation au directeur [de la RATP].»
D’ici à un mois, Mikobi devrait recevoir une aide de l’Etat. Environ 10 € par jour. Il attend désormais une place dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada). «Pas avant cinq mois. Car il est sans enfant, jeune et en bonne santé», explique-t-on à France terre d’asile. Mardi dernier, une étape importante dans son parcours a été franchie: il a déposé son dossier complet à la préfecture, ce qui lui aura finalement pris deux mois. Son cas est désormais étudié à l’Office français de protection des réfugiés et des demandeurs d’asile (Ofpra). Au mieux, il aura une réponse d’ici à mai. Au pire, il devra patienter près de neuf mois. En 2009, l’Ofpra a rejeté 86,8% des demandes examinées.
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