VIDEO. Voiture incendiée quai de Valmy: Les agresseurs présumés de «Kung-fu Cop» devant la justice
PROCES•Un an et demi après l’attaque spectaculaire d’une voiture de police en marge d’une manifestation, neuf personnes comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris…Caroline Politi
L'essentiel
- Le 18 mai 2016, des manifestants s’en sont pris à deux policiers en marge d’une manifestation contre la « haine anti-flic ».
- Les charges criminelles ont finalement été abandonnées par le parquet.
- Ils risquent dix ans de prison et 150.000 euros d’amende.
Le 18 mai 2016, Allison B. a « cru mourir ». Ce mercredi-là, la jeune femme, gardienne de la paix à Paris, emprunte avec son collègue, Kévin Philippy, adjoint de sécurité, le quai de Valmy, dans le 10e arrondissement de Paris, pour rentrer d’une séance d’entraînement au tir. Leur itinéraire les mène aux abords de la place de la République où se tient une manifestation organisée par le syndicat Alliance pour dénoncer la « haine anti-flic ».
A peine se sont-ils engagés sur la voie que des contre-manifestants, principalement des membres de groupuscules d’extrême gauche et des Black Blocs, les prennent à partie. Un individu, le visage dissimulé sous une large capuche donne les premiers coups sur le pare-choc puis exhorte la foule. « Il y a des flics, venez, on va les niquer », assure avoir entendu Allison B. Rapidement, entre quinze et vingt personnes s’agglutinent autour du véhicule. D’un coup de pied, un homme brise la vitre de la portière du conducteur. Un autre, passe sa main dans le véhicule, décoche coups de pied et de poing au chauffeur. Les projectiles s’abattent sur la voiture sérigraphiée. Un fumigène lancé sur la banquette arrière embrase l'habitacle.
aUn an d’instruction, neuf prévenus
Le chauffeur du véhicule, Kevin Philippy, parvient à se dégager rapidement. Mais à peine a-t-il posé un pied sur le sol qu’un manifestant le frappe avec une barre de fer. Quatre coups qu’il parvient à parer avec ses avant-bras. La scène, filmée, lui vaudra de devenir une star d’Internet sous le surnom de « Kung-fu Cop ». Les images de la voiture en flamme ont fait la Une des médias du monde entier, du New York Times à El Pais en passant par le Guardian. Lui, a écopé de dix jours d’interruption temporaire de travail (ITT), elle de quatre, finalement réévalués à 30 jours en raison des séquelles psychologiques.
A partir de ce mardi et pour quatre jours, neuf personnes, dont deux sont toujours en détention provisoire, comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris. Alors qu’ils risquaient la cour d’assises pour « homicide volontaire sur personne dépositaire de l’ordre public », le parquet a finalement requalifié les faits. Ils sont jugés pour « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences ou de dégradations ». Six doivent également répondre de violences aggravées sur policiers en réunion ainsi que de destruction volontaire. Ils ne devraient cependant être que huit à se présenter devant le tribunal : l’homme suspecté d’avoir lancé le fumigène est sous le coup d’un mandat d’arrêt. Ce résident suisse de 28 ans, bien connu pour son engagement militant à l’extrême gauche, ne s’est pas rendu aux convocations.
Une résonance politique exceptionnelle
Dans un contexte particulièrement tendu lié aux violences en marge des manifestations de la Loi travail, l’affaire avait immédiatement pris un tournant hautement politique. Manuel Valls, alors Premier ministre, avait réclamé des « sanctions implacables » contre « ceux qui veulent se payer du flic ». Deux jours plus tard,quatre militants antifascistes, étaient interpellés grâce à un témoignage anonyme. Antonin et Angel Bernanos – les arrière-petits-fils de l’écrivain –, Bryan M. et Léandro L. sont mis en examen et placés en détention provisoire. Et ce, malgré leurs constantes dénégations.
Tous sont étudiants, relativement actifs dans les mouvements d’extrême-gauche. A plusieurs reprises en 2016, ils ont été repérés dans des manifestations interdites mais à l’exception d’Antonin – condamné à des travaux d’intérêt général pour violences en réunion –, tous ont un casier vierge. Ils reconnaissent avoir participé à ce rassemblement mais nient fermement avoir pris part à l’attaque de la voiture. « Il fallait interpeller vite, taper fort, dénonce Me Arié Alimi, l’avocat d’Antonin, qui a passé dix mois en détention provisoire. Les faits ont été instrumentalisés à des fins politiques. C’est illustré par le fait que le parquet a ouvert une enquête pour homicide volontaire alors que sur les images, la violence est certes manifeste, mais pas la volonté de tuer. »
« J’étais en colère »
Au fil de l’enquête, les charges contre Angel, Bryan et Léandro s’amenuisent. L’homme qui les a désignés comme ayant participé à l’attaque se révèle être un policier des renseignements. Et les images de vidéosurveillance mettent à mal son témoignage. Le 8 juin, Nicolas F., 39 ans, petit-fils d’officier militaire et ancien scout, est interpellé. Dès son premier interrogatoire, il reconnaît avoir frappé à plusieurs reprises le policier avec une barre de fer. « Je n’avais pas conscience de la gravité de ce que j’étais en train de faire », confie-t-il au juge d’instruction. Deux mois plus tard, Kara, un transgenre américain, est à son tour interpellée. Elle reconnaît avoir lancé à deux reprises le plot sur le pare-brise, geste qu’elle qualifie de « stupide ». « J’étais en colère, explique-t-elle au juge. Je n’avais pas l’intention de blesser quiconque. » L’homme soupçonné d’avoir donné les premiers coups de pied contre la voiture, est interpellé peu après. Lui aussi a reconnu les faits.
Après un an d’enquête, les juges d’instruction ont reconnu que la participation d’Angel, Bryan et Léandro « à l’agression des policiers et à la dégradation de leur véhicule n’a pas pu être établie ». Eux, sont uniquement poursuivis pour avoir pris part à cette manifestation violente. Antonin reste soupçonné d’avoir donné des coups de pied et poing à l’adjoint de sécurité et d’avoir lancé un plot contre la voiture. « Compte tenu de la manière dont s’est déroulée l’instruction, il est évidemment inquiet à l’approche du procès, confie son avocat. Il souhaite que toute cette affaire soit terminée pour poursuivre ses études de sociologie plus sereinement. » Il risque, comme tous les prévenus poursuivis pour violences volontaires, dix ans de prison et 150.000 euros d’amende.