Aulnay-sous-Bois: «On nous aime quand on brille dans le sport mais sinon, on se fait insulter»
REPORTAGE•Ce dimanche, dans la cité des 3000 (Aulnay-sous-Bois) la tension entre des habitants et la police est montée d’un cran à la suite des soupçons de viol sur un jeune du quartier…C.An et R.L
«Cette affaire ne nous fait pas plaisir », s’exclame ce dimanche un policier, au pied d’un immeuble de la cité des 3000, dans le quartier de la Rose-des-Vents à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) où un jeune homme de 22 ans a été gravement blessé à coups de matraque lors d’une interpellation violente jeudi dernier. A quelques mètres de lui, plusieurs tags anti-police ont été inscrits sur des murs. Notamment un « Police violeurs » accompagné d’une tête de cochon. « Nous n’étions pas là lors de l’interpellation, nous ne pouvons rien dire », balaye-t-il, alors que des incidents ont éclaté samedi et dimanche soir dans le quartier.
Plusieurs voitures ont été incendiées, de nombreux feux de poubelles ont été recensés, des policiers déployés en renfort ont été la cible de tirs de mortier et le commissariat a été vandalisé à la suite de l’agression.
Un jeune « sans histoires » et « connu en bien »
Selon des proches, Théo, 22 ans, est décrit comme « sans histoires » et investi dans le milieu associatif et sportif de la ville. « Ses sœurs jouent au handball, au basket, lui, il était dans un centre de formation de football, il avait organisé un tournoi entre les jeunes d’Aulnay-sous-Bois », détaille Samy*, 14 ans, habitant du quartier. « Un jeune homme connu en bien, une famille respectée dans un quartier en difficulté », a également expliqué ce lundi sur RMC/BFM, le maire (LR) d’Aulnay-sous-Bois, Bruno Beschizza. « L’immense majorité des jeunes aulnaysiens sont des exemples positifs. Ce jeune homme en fait partie », a-t-il tenu à ajouter.
« Nous, ici, on a peu de marge de manœuvre pour bouger, travailler »
La vidéo amateur - montrant les brigadiers une matraque à la main, avec un jeune au pantalon baissé - reprise par les médias et sur les réseaux sociaux suscite de nombreuses réactions. Après son transport à l’hôpital, un médecin avait diagnostiqué à la victime « une plaie longitudinale du canal anal » et une « section du muscle sphinctérien », et lui avait prescrit 60 jours d’incapacité totale de travail (ITT). Alex*, 27 ans, a participé aux émeutes urbaines en 2005 et déplore dans un premier temps l’instrumentalisation de la vidéo par l’extrême droite. Puis, le jeune homme n’exclue pas d’éventuelles représailles. « Si la police avait fait cela à mon frère, je les aurais tués », s’exclame-t-il avec deux autres amis. « Il pourrait rester handicapé toute sa vie », note également un jeune homme à la terrasse d’un café, dans ce quartier où le malaise semble bien plus profond.
« On nous aime quand on brille dans le sport mais sinon, on se fait insulter. On est plusieurs à avoir un casier de judiciaire ici, je n’irai donc plus à l’affrontement avec les flics. Mais si les "petits" veulent le faire, je ne les en empêcherai pas », reprend Alex.
Ce fonctionnaire, d’à peine 30 ans, est aujourd’hui désabusé. « Ces policiers suspectés finiront par être mutés. Nous, ici, on a peu de marge de manœuvre pour bouger, travailler. Regardez, dans le projet du Grand Paris Express, personne d’Aulnay-sous-Bois n’a été embauché ». D'une allée rénovée depuis peu, le jeune homme analyse l’évolution des 3000. « Une partie du quartier a été refait. Mais tout ce qu’on sait faire ici, c’est mettre de l’argent dans le béton », déplore-t-il.