Anne Hidalgo: «Je suis guidée par l'idée d'être utile»
INTERVIEW•Le dernier conseil de Paris de l’année débute ce lundi. A cette occasion, la maire de Paris, Anne Hidalgo, répond aux questions de « 20 Minutes »…Propos recueillis par Romain Lescurieux et Fabrice Pouliquen
Nous avons pris l’habitude de ces confrontations, car il y a une opposition systématique de la droite parisienne et régionale aux projets de transports collectifs propres, à la réduction de la place de la voiture et à la lutte contre la pollution. Par le passé, nous avons vécu la même opposition avec la piétonnisation de la rive gauche, les premiers couloirs de bus en site propre, ou encore le premier tronçon du tramway, chaque fois avec une très grande violence verbale de la part de ces élus conservateurs.
La Région a son comité d’évaluation, vous avez vos études et rapports et chacun avance des chiffres contradictoires. Qui croire ?
Il y a un seul comité d’évaluation qui existe, c’est celui instauré par le préfet de police. Il se fonde sur le sérieux des analyses scientifiques. Il est le seul à être compétent, objectif et légitime. Lecomité de Mme Pécresse, c’est de l’instrumentalisation politicienne. Pour les chiffres, il n’y a que deux bases de données, celle d’ Airparif, et celle produite par la Ville et la préfecture de police. Par souci de transparence, j’ai d’ailleurs mis tous nos chiffres en open data. Nous n’avons rien à cacher. Chacun doit s’occuper de ce pourquoi il est élu et ce pourquoi il a une légitimité. La Région est en charge des transports en commun, dont la régularité, le confort et la propreté ne sont pas à la hauteur. Elle devrait vraiment prendre la mesure de cela. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Le comité d’évaluation se réunit ce lundi sur l’impact de la fermeture de la rive droite, êtes-vous confiante ?
Nous sommes sereins et optimistes. Le volume de trafic et les reports de circulation constatés sont conformes aux prévisions. C’est-à-dire des reports faibles, sans impact au-delà de l’hypercentre. La totalité du trajet est-ouest, du 16e arrondissement à la sortie du 12e, n’a pas augmenté de plus de huit minutes en moyenne. C’est admissible par tous les automobilistes. Des études des services de l’Etat démontrent en revanche qu’il y a des chantiers en dehors de la capitale, liés au Grand Paris Express par exemple, qui impactent les conditions de circulation. Certains maires des Hauts-de-Seine en ont conscience mais me disent avec le sourire préférer mettre cela sur le dos des berges de la rive droite…
Quel bilan faites-vous de la circulation alternée instaurée cette semaine ?
C’est une mesure qui vaut en situation de crise, pour les pics de pollution. Il fallait la prendre car nous étions cette semaine très au-dessus des normes admissibles pour la santé. Mais ce système est perfectible. A partir du 16 janvier, nous mettrons en place à Paris des vignettes antipollution, instaurées grâce à la loi sur la transition énergétique de Ségolène Royal. Elle nous permettra d’agir plus efficacement sur les pics de pollution dès le dépassement du seuil d’information. Les restrictions de circulation ne se feront plus selon le numéro de la plaque, mais selon le degré de pollution du véhicule. Ce sera plus juste.
Fermeture de la rive droite, retour de la vignette, fin du diesel en 2020… Allez-vous prendre d’autres mesures d’ampleur pour réduire la place de la voiture à Paris ?
C’est notre politique. Je l’assume pleinement. Il n’y a pas que des mesures de restrictions. Nous avons mis en place des aides financières très incitatives permettant aux Parisiens d’adopter des modes de transports plus propres. En 2017, nous allons accélérer le déploiement du plan vélo, avec de nouvelles pistes cyclables sécurisées. Nous portons aussi le projet d’un bus à haut niveau de service sur les quais hauts, de nouvelles liaisons entre les gares, le prolongement du tramway T3…
Vous arrivez dans quelques mois à mi-mandat… Que reste-il à faire pour Paris d’ici 2020 ?
Mes priorités ne changent pas. J’applique mon programme. J’ai aussi une conviction : le plus grand défi de ce siècle est le défi climatique. C’est autour de cet axe-là que toutes mes politiques sont en train de se développer. En poursuivant cet objectif, nous agissons dans de nombreux domaines : la santé publique, les transports, le traitement des déchets, le logement, les équipements publics. C’est par exemple la rénovation de nos équipements municipaux avec l’objectif, d’ici 2020, qu’ils fonctionnent avec 100 % d’énergies renouvelables. C’est aussi notre plan de lutte contre le gaspillage énergétique dans notre parc de logement social. C’est encore la piétonnisation de la voie Georges-Pompidou. Si on ajoute la rive gauche, nous venons de créer un parc de huit hectares au cœur de la capitale où les Parisiens et les visiteurs pourront venir respirer, se promener.
Un président de la République de droite pourrait-il contraindre ce plan d’action ?
Je ne pense pas. Personne n’aura intérêt à être dans le sectarisme. Je travaille d’ailleurs en bonne intelligence avec la Métropole du Grand Paris, majoritairement à droite. Je n’imagine pas un président, quelle que soit sa couleur politique, remettre en cause ce pourquoi les Parisiens m’ont élue. Je ne l’imagine pas non plus être climato-sceptique, après que la France ait accueilli la COP21 qui a permis l’ Accord de Paris. Je continuerai donc. Je suis guidée par l’idée d’être utile.
Finalement, mieux vaut être maire de Paris ou président de la République ?
Chacun est à sa place. Être maire est aussi une grande responsabilité. C’est un peu comme être chef d’entreprise. Il faut savoir manager, être visionnaire et pragmatique. Fédérer autour d’un projet collectif. C’est ce qui me plaît aujourd’hui. J’ai un immense respect pour la fonction de président de la République, mais je crois que les maires des grandes villes montrent qu’ils ont plus d’agilité pour changer les choses. Nous sommes au front de la mondialisation, les premiers à accueillir les gagnants comme les perdants, à soutenir les classes moyennes. Les maires des grandes villes ont une conscience bien plus aiguë que beaucoup de chefs d’Etat de l’équilibre à trouver dans la mondialisation.