Paris: Il «tape la manche» depuis 20 ans et publie un livre grâce à Jean-Louis Debré
HISTOIRE•Jean-Marie Roughol publie ce mercredi «Je tape la manche», après deux ans et demi de travail et une rencontre : celle de l’ex-ministre Jean-Louis Debré, devenu un ami...Fabrice Pouliquen
Il en voit tellement des passants lui filer sous le nez sans un regard. Certains, même, détournent la tête volontairement. Tant pis, Jean-Marie Roughol n’est pas du genre à renoncer. Il agite les quelques pièces dans son gobelet et sert sa blague du moment : « C’est pour la fashion week des clodos ».
Mendiant de 10h jusqu’à minuit
Clodo, Jean-Marie Roughol, 47 ans, l’est depuis plus de vingt ans. Hormis quelques courtes parenthèses dans sa vie, chaque jour, il mendie. « De 10h, jusqu’à parfois minuit, lâche-t-il fatigué de vivre au jour le jour.
Mais pourquoi le réduire à ça ? Ce mercredi, Jean-Marie Roughol sort aussi un livre : Je tape la manche (éditions Calmann-Lévy). Le fruit de deux ans et demi de travail et, surtout, d’une rencontre : celle de Jean-Louis Debré, l’ex-président de l’Assemblée nationale et actuel président du conseil constitutionnel, croisé devant un magasin où Jean-Marie Roughol à l’habitude de « taper ». « Je lui ai proposé de garder son vélo le temps de ses courses. Nous sommes devenus amis. C’est lui qui m’a poussé à écrire mon histoire et qui a relu mon récit. »
Une vie bien remplie
Au final, Jean-Marie Roughol a noirci 170 pages d’une écriture la plus franche possible. « Je suis comme ça », se justifie-t-il. On y apprend que Jean-Louis Debré n’est pas le seul « people » croisé. Le metteur en scène Robert Hossein l’a même embauché pour faire de la figuration dans deux de ses grands spectacles : Ben Hur et N’ayez pas peur, sur la vie de Jean-Paul II. Jean-Marie Roughol a aussi croisé Alain Delon, Jamel Debouzze et Gérard Jugnot ou encore Michel Sardou, et les égratine tous les quatre dans son livre. Au contraire de Gad Elamaleh ou Doc Gyneco. « Deux chics types », raconte celui qui aurait rêvé de rencontrer aussi Coluche.
« Je tape la manche » ne se résume pas non plus à des célébrités rencontrées. Jean-Marie Roughol raconte bien plus son enfance chaotique, la faim, ses nuits dans le métro et les squats, la crainte de se faire dépouiller ou tabasser, les moments de blues qui poussent au bord du suicide. Les potes aussi, qui disparaissent les uns après les autres et les mois d’aoûts, où Paris se vide : « la période qu’on craint tous le plus ». Et ces femmes et ces jeunes de plus en plus nombreux à s’asseoir sur les trottoirs de la capitale…
Un pro de la tape
Jean-Marie Roughol parle aussi du bonheur d’une douche chaude, de vêtements propres qu’on lui donne parfois, d’une princesse qui lâche un billet de 100 euros, d’amitiés solides qu’il a réussi à se forger. Surtout, il raconte l’art de « mendier ». « La manche, c’est finalement mon métier, écrit-il. J’ai progressivement appris à aborder le pèlerin et surtout à le repérer. »
De nouveau à la rue depuis avril, Jean-Marie Roughol se pose la semaine avenue Montaigne et le dimanche devant le drugstore, où il a ses habitués près des Champs-Elysées. La nuit, il dort dans un petit hôtel du côté de République. « Il faut que je ramène 80 euros par jour pour survivre, raconte-t-il autour d’un café. Pour l’instant, j’y arrive. » Mais Jean-Marie fatigue et espère beaucoup de la parution de son livre. « J’en gagnerais peut-être assez pour lancer ma crêperie », raconte-t-il. Un vieux rêve. Mais Jean-Marie a ses démons et la rue le fascine toujours autant. « Je n’arrive pas à m’en extraire », dit-il en guise de point final de son livre.