LOGEMENTLocataires dans le parc social, ils sous-louent ou échangent leur logement

Locataires dans le parc social, ils sous-louent ou échangent leur logement

LOGEMENTDes annonces pour échanger un appartement social ou sous-louer au sein du parc social prouvent que la transparence et l’égalité ne sont pas encore d’actualité…
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

«Ouvert à toutes propositions mais uniquement avec des locataires Paris habitat.» Voilà une précision qui dénote, dans une petite annonce publiée sur leboncoin.fr. Et pourtant, des dizaines d’offres d’échanges d’appartements sociaux parisiens s’invitent sur la toile. Une pratique qui ne respecte par la procédure. Et que Pierre-Yves Bournazel (UMP), conseiller de Paris et élu du 18e, juge illégale et scandaleuse, notamment parce qu’elle «met à mal l’égalité de traitement».

Dans un courrier envoyé ce lundi à Paris Habitat l’élu assure que: «Des appartements de Paris Habitat font l’objet d’une sorte de «trafic» entre locataires à travers des petites annonces sur Internet. Le nombre d’annonces peut laisser penser qu’il pourrait s’agir d’une pratique institutionnalisée faussement cautionnée par Paris Habitat.»

Sous-louer son logement social à ses enfants

Pire, certains locataires indélicats sous-louent leur logement. «Ces abus s’avèrent choquants vis-à-vis des 150.000 Parisiens qui attendent un logement social», martèle Pierre-Yves Bournazel. L’élu demande donc une enquête interne. L’échange et la sous-location freinent le turn-over dans un parc social saturé.

Assistante sociale pendant trente ans à Paris, Catherine* témoigne que ces sous-locations au sein du parc social sont nombreuses. Certaines familles rentrées «à la régulière» dans un HLM veulent que leur progéniture en bénéficie. «J’ai connu une famille qui a gardé sur trois générations un appartement social, confie Catherine. Pour eux, l’ascenseur social n’avait pas fonctionné et les parents expliquaient que s’ils essayaient de le faire de façon officielle, ça n’aurait pas marché. Obtenir un logement social à Paris, c’est détenir un trésor», conclut Catherine.

Mais certains entrent et restent dans des HLM grâce au piston. «C’est doublement abusif. Dans le social, on appelle cela des «rentes de situation». Car des parents, qui n’auraient rien à faire dans une HLM sous-louent à leurs proches. J’ai ainsi une amie cadre supérieure qui loge dans un appartement social obtenu par sa sœur. Ces détournements sont légion. Au point qu’il arrive que les services sociaux conseillent à des certains de ne pas déclarer au bailleur leur divorce ou leur veuvage, de peur de perdre leur logement social…»

Des détournements marginaux

Du côté des bailleurs sociaux, on assure que ces procédés illégaux sont marginaux. «C’est un microphénomène, certifie-t-on à Paris Habitat. Nous avons eu le cas dans le 8e. Mais les locataires ont été expulsés et ont dû payer des dommages et intérêts. Une condamnation qui a valeur d’exemple. Et les gardiens de nos 120.000 logements sociaux ont une vision précise des locataires…»

A la RIVP, on reconnaît tout de même qu’une centaine de procédures pour des occupations anormales sont en cours. «Les locations saisonnières, qui ont tendance à se développer, nous inquiètent, admet-on à la RIVP. On a eu un cas emblématique d’un retraité qui s’était retiré dans le Midi et qui sous louait. Mais avec les allées et venues des locataires et actualisation de la boîte aux lettres, on s’en est rendu compte. Nous restons vigilants. Et les enquêtes sociales annuelles nous permettent de repérer des anomalies.»

Mais un courrier par an, est-ce suffisant? Pour Catherine, les contrôles devraient être renforcés. «Cela ne suffit pas d’envoyer une feuille de salaire par an… que l’on peut facilement imiter! La question reste comment réguler sans fliquer?» Contactée, la Mairie de Paris n’a pas donné suite.

Instaurer un bail pour les locations du parc social?

Et Pierre-Yves Bournazel de rappeler sa proposition pendant les municipales. «Je souhaiterais mettre en place un bail renouvelable au bout de six ans pour un meilleur suivi des familles. Aujourd’hui, ils ont une HLM à vie. Le bail permettrait de faire accéder certains à la propriété ou d’assurer la rotation en proposant un autre appartement. La politique du logement doit s’adapter aux parcours de vie: divorce, augmentations de salaire, départ des enfants…»

*Le prénom a été changé.