Le «street-workout» montre ses muscles à Paris
SPORT – La musculation de rue séduit autant les médias que les sportifs. Un mois avant la grande compétition de l’année, reportage avec Punishment Team, un quatuor de Parisiens musclés…Oihana Gabriel
«Le temps de repos? Il n’y en a pas!», sourit Maxime. Ce dimanche, cet adepte du « street-workout», cette «musculation de rue» qui séduit de plus en plus de Franciliens, a donné rendez-vous à ses trois compères du Punishment Team au parc de la Villette (19e). A la recherche d’agrès pour s’entraîner dur. Objectif: décrocher un maximum de récompenses à la 3e edition King Of Pull and Push, une compétition internationale organisée le 22 juin à Grigny (Essonne).
Le quatuor, originaire des 10e, 19e et 20e arrondissements, se réunit à Paris plusieurs fois par semaine pour multiplier pompes et tractions. «On est l’équipe qui punit, tu viens, tu prends. Toutes les compétitions qu’on a faites, on les a gagnées», se targue sans détour MC Jean Gab'1, célèbre rappeur grande gueule parisien, qui malgré ses 47 ans suit le rythme de sa team motivée. «Les mecs ont la moitié de mon âge, alors je souffre, souffle-t-il. Ce que j’aime dans ce sport, c’est le mélange des âges, des ethnies.»
Ni cirque, ni gym
Slalomant entre les gamins qui jouent et les promeneurs, les quatre sportifs s’installent devant la façade du Zénith pour commencer leur entraînement. Après un circuit de dix tractions, dix pompes au sol, répétés dix fois, l’équipe se dirige vers quelques agrès pris d’assaut en ce dimanche ensoleillé. Pestant contre les dilettants «qui viennent pour draguer », MC Jean Gab’1 défend sa vision du «street-workout». « On ne fait pas du cirque ou de la gym. Ici, c’est vraiment physique. Je n’irai pas dans une salle de sport pour ressembler à un ballon de foot. La muscu, c’est superficiel, quand tu arrêtes deux mois, tu fonds. Notre but, c’est de faire du sport quand on veut, où on veut.»
En manque d’infrastructures
Le problème, c’est que les endroits où trouver des agrès pour s’entraîner se font rares à Paris. «Le “street-workout” ne vient certainement pas de banlieue, puisqu’il y a très peu d’infrastructures en dehors de la capitale», s’agace MC Jean Gab’1. «Et même dans la capitale, le meilleur spot c’était quai de Jemmapes (10e), et il n’existe plus, ajoute Maxime. Depuis deux ans, on s’entraînait quai de Valmy (10e), mais ça fait trois mois que le terrain, dont le sol s’enfonçait, est fermé pour travaux. C’est lamentable qu’on ne trouve pas de barres Paris. D’autant que ça se banalise, ça explose. Quai de Valmy, il y a des gens qui s’entraîne de 8h à 2h!» Selon ces quatre ambassadeurs du «street-workout», certaines mairies démarchées sont partantes, mais l’installation de ces infrastructures coûte cher.
« Moi j’ai découvert ce sport sur Internet avec les vidéos d’Hannibal For King, raconte Youssef, spécialiste du “scorpion”, cette figure où perché sur ses bras il descend sur ses coudes pour remonter ensuite. C’est vrai qu’en prison, tu fais avec ce que tu trouves. Mais ce n’est pas un sport de délinquant. C’est pas parce qu’on n’a pas les moyens d’aller dans une salle, mais parce qu’on aime être en plein air.»
«Si on est sérieux, on a des résultats assez vite»
L’endurance, c’est leur mot d’ordre. En deux ans, ils ont vu leur corps se transformer et ont remporté des prix l’an dernier au Pull and push. «Si on est sérieux, on a des résultats assez vite», promet Sekou. Les veines gonflées par l’effort, ils inventent des enchaînements de pompes en poirier, tractions les bras écartés, pompe sur un bras devant des groupes impressionnés.
«Pendant certains entraînements, ça nous est arrivé de vomir», admet Maxime. «Tes épaules ne sont pas faites pour porter ton corps, renchérit MC Jean Gab’1. On s’est tous blessés à un moment, le tendon, la cheville…» Et le rappeur, qui n’hésite pas à imposer le respect aux jeunes qui tentent de les prendre en photo, de conclure: « Un jour on m’a dit: “T’es bien taillé pour un vieux.” J’ai répondu: “T’es mal galbé pour un jeune!”»