Recel d’œuvres de Picasso: «Pour moi, il s'agissait juste de morceaux déchirés» dit le retraité
JUSTICE•L'électricien de l'artiste a été entendu ce mardi matin par le tribunal correctionnel de Grasse...Fabien Binacchi
Comment 271 œuvres de Pablo Picasso ont pu rester dormir près de 40 ans au fond d’un garage ? Mardi matin, le tribunal correctionnel de Grasse (Alpes-Maritimes) a commencé a interrogé Pierre Le Guennec, un retraité de 75 ans poursuivi pour le «recel du vol» de ces dessins et autres toiles. Ce qu'il conteste.
«Un soir, Jacqueline [Picasso, la dernière épouse du peintre], m’a rappelé. Elle m’a tendu une boîte en carton et m’a dit "c’est pour vous"», a expliqué le vieil homme, d'une voix mal assurée et fatiguée. «Il y avait une confiance absolue entre nous trois», a-t-il également ajouté.
L’homme, devenu l’électricien du maître et de sa femme, après avoir été une première fois appelé dans leur villa de Mougins pour réparer un four en panne, en 1971, a réaffirmé à la barre être devenu un «proche» du couple. Assez proche pour se faire offrir autant de dessins, croquis et autres esquisses, et dont il ne se serait plus soucié pendant des années?
«Vous recevez des objets de la main d’un peintre célébrissime et vous les laissez de côté?», s'étonne le président du tribunal Jean-Christophe Bruyère. «Pour moi, ce n’était pas des œuvres, juste des essais, des morceaux déchirés», a répondu Pierre Le Guennec, blouson vert bouteille sur un jean.
«Je ne voulais pas que mes enfants soient inquiétés»
Pourtant, dans le lot, présenté en photographie à l’ouverture de l’audience, figuraient notamment six petites huiles sur toile et d'autres collages cubistes. «En 2009, vous décidez finalement de les faire authentifier en vous rapprochant de Claude Picasso», l'un des enfants du peintre, détaille le président.
«Je venais d’avoir des ennuis de santé, je ne voulais pas que mes enfants soient inquiétés pendant la succession», a-t-il dit. En 2010, après un rendez-vous avec la Picasso administration, qui gère la succession de l'artiste, les héritiers décident de porter plainte. Ces œuvres, qui n'ont pas pu être offertes en cadeau selon eux, «ont manqué pendant des années à l'histoire de l'art», a déclaré Claude Picasso avant l'ouverture de ce procès très médiatique.
Un témoin surprise cité par la défense
Dans l'après-midi, l'épouse de Pierre Le Guennec, également poursuivie pour recel, doit être entendue. Mercredi, place aux huit personnes appelées par la partie civile et le parquet. Côté défense, un témoin surprise a été annoncé dès l'ouverture du procès. La fille du dentiste de Pablo Picasso, spectatrice «directe de la générosité de l'artiste», selon l'un des avocats des Le Guennec, viendra à la barre dans la journée.
Les deux retraités encourent jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 375.000 euros d’amende ou la moitié de la valeur des biens recelés. Soit certainement beaucoup plus.