Aux chantiers navals de Saint-Nazaire, les ouvriers veulent y croire
REPORTAGE•La vie continue aux chantiers STX au lendemain de l’annonce du gouvernement concernant la suspension de la vente des deux navires de type Mistral à la Russie...Julie Urbach
Le bruit est constant et de petites silhouettes bleues, caques blancs, continuent d’aller et venir. Si après une période faste, le vent commence à tourner à Saint-Nazaire, la vie continue aux chantiers navals au lendemain de l’annonce du gouvernement concernant la suspension de la vente des deux navires de type Mistral à la Russie.
Avenir en suspens
Sur le pont de l’imposant porte-hélicoptères Vladivostok, comme si de rien n’était, un groupe de marins russes est en formation. A midi, alors qu’une sonnerie retentit, les 400 membres de l’équipage -qui doivent partir pour de premiers tests en mer la semaine prochaine- s’engouffrent dans un bus, et évitent toutes les questions concernant leur avenir en suspens.
A quelques centaines de mètres, à la terrasse des petits restaurants qui longent le quai, les langues se délient plus facilement. «On n’a pas à faire de la politique quand on construit un navire, affirme, énervé, un ouvrier de STX, qui a appris la nouvelle le matin même à la radio. Et de toute façon, les bateaux ne seront pas armés ici mais bien en Russie, donc ce n’est pas notre problème!»
Ce matin, ça continue
Si la plupart disent être «stupéfaits» par l’annonce de François Hollande, ils sont aussi nombreux à vouloir croire que «suspension» ne veut pas dire «arrêt». D’ailleurs, ce jeudi, aucune consigne n’a été donnée de la part de la direction de STX aux plusieurs centaines d’ouvriers et sous-traitants actuellement mobilisés à la construction du deuxième BPC, qui doit être achevée dans un an. «Ce matin, ils sont au travail et ça continue, assure Christophe Morel, représentant CFDT. On ne pourra faire que subir mais je ne vois vraiment pas comment ils peuvent nous dire d’arrêter la construction.»
Claude, chaudronnier, est de son avis: «Ce n’est qu’une annonce politique. François Hollande a lancé ça pour calmer les esprits mais moi je suis sûr que le premier partira: il est terminé, la Russie a payé et l’équipage est là. Et puis qu’est-ce que l’on va en faire sinon? Là il sera temps d’être totalement déprimé, car ce sera à tous les Français de rembourser!»
Crainte de chômage partiel
Avec l’annonce, la veille, du report d’un autre contrat, celui du Pegasis commandé par Britanny Ferries, l’inquiétude commence tout de même à pointer, avec la crainte de chômage partiel si les commandes étaient toutes bel et bien annulées. David Samzun, maire (PS) de Saint-Nazaire, a déjà promis ce jeudi des «mesures de sauvegarde» si tel était le cas.
«Moi je pense que ça ira, commente la patronne d’une sandwicherie, juste en face des chantiers. C’est ça STX: il y a des hauts, des bas, et on finit toujours par rebondir. On va y laisser des plumes mais on restera là: sinon, on aurait déjà été délocalisé depuis longtemps!»