MONDEEgypte: Mohammed ElBaradei, la «voix» de l'opposition

Egypte: Mohammed ElBaradei, la «voix» de l'opposition

MONDEL'ancien directeur de l'AIEA et prix Nobel de la Paix doit mettre en place la transition politique après la destitution du président Morsi...
F.F. avec AFP

F.F. avec AFP

Mohammed ElBaradei, choisi par l'opposition égyptienne pour la représenter dans la mise en place de la transition politique annoncée par l'armée, a de nouveau joué un rôle essentiel dans la politique égyptienne ce mercredi soir, après la destitution du président Morsi. Populaire parmi les militants pro-démocratie pour ses combats contre Hosni Moubarak puis Mohamed Morsi, il fait désormais figure d'homme providentiel pour les opposants aux islamistes.

Ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), réputé intègre et austère, il est désormais la «voix» du «Front du 30 juin» qui rassemble les plus importants partis et mouvements hostiles au président islamiste Mohamed Morsi.

Prix Nobel de la Paix en 2005

Le Front lui a confié mardi la responsabilité «d'assurer l'exécution des revendications du peuple égyptien et de préparer un scénario visant à réaliser la feuille de route (de l'opposition) pour une transition politique».

Mercredi il a déclaré que la feuille de route présentée par l'armée «répond aux revendications du peuple», après avoir rencontré dans la journée le chef de l'institution militaire, le général Abdel Fattah al-Sissi.

Opposant au régime Moubarak puis critique virulent du conseil militaire qui a assuré la direction du pays pendant seize mois après sa chute, l'ancien dirigeant de l'AIEA (1997-2009) a reçu le prix Nobel de la Paix en 2005 pour son travail et celui de l'organisation contre la prolifération des armes nucléaires.

Forfait à la présidentielle de 2012

En 2012, il avait déclaré forfait pour la course à la présidence égyptienne, accusant le pouvoir militaire de transition, à l'époque dirigé par le maréchal Hussein Tantaoui, de perpétuer le système répressif d'autrefois.

Médiocre orateur mais animé de convictions démocratiques affirmées, l'ex-fonctionnaire international avait fait un retour triomphal au pays début 2010, accueilli par des centaines de ses partisans à l'aéroport du Caire.

Très vite, il tente de fédérer l'opposition autour d'un projet de réformes. Il séduit dans les milieux de la jeunesse éduquée, des intellectuels et des classes moyennes urbaines, qui formeront l'avant-garde de la révolte contre Moubarak.

Manque de visibilité

Il souffre toutefois d'un manque de visibilité dans l'Egypte profonde, et le pouvoir lance à l'époque une virulente campagne contre lui, le présentant comme déconnecté de la réalité égyptienne, voire comme un agent de l'étranger.

Des photos de sa fille Laïla en maillot de bain, et lors de son mariage où du vin est servi, de nature à choquer la société musulmane conservatrice, paraissent dans la presse.

Dès le début de la révolte anti-Moubarak, il se rend place Tahrir haranguer la foule et promettre «le début d'une ère nouvelle».

Au coeur des manifestations

A l'automne 2011, alors que Le Caire traverse de nouvelles manifestations contre le pouvoir dirigée par les forces armées , il se dit prêt à prendre la tête d'un «gouvernement de salut national». Tahrir, où il se rend parmi les manifestants, lui fait un nouveau triomphe, mais son appel reste sans suite.

Il a fondé un parti, al-Dostour, et devient l'un des principaux porte-parole de l'opposition laïque à Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans.

Mohamed ElBaradei est né le 17 juin 1942 au Caire d'un père avocat et chef du barreau national. «Mon père m'a appris qu'il fallait s'accrocher à ses principes. Il (...) prônait les libertés civiques et les droits de l'Homme».

Distingué de la «médaille du Nil»

Après son diplôme en droit obtenu à l'Université du Caire, il entre en 1964 dans la diplomatie et est dépêché à Genève et New York. Il participe ensuite à l'équipe de négociations ayant abouti, à Camp David, au traité de paix avec Israël.

En 1980, il commence sa carrière à l'ONU et est envoyé en Irak après la première guerre du Golfe pour démanteler le programme nucléaire irakien.

En 1997, il prend la tête de l'AIEA, un poste qui lui confère une notoriété internationale en même temps qu'un statut d'adversaire à Washington, à propos de l'Irak, puis de l'Iran.

Avant l'invasion américaine de 2003 en Irak, il met en doute le fait que Saddam Hussein mène un programme nucléaire secret, ce qui exaspère les Etats-Unis mais lui confère une certaine aura dans d'autres pays. Les faits lui ont ensuite donné raison.

Marié et père de deux enfants, il a reçu en 2006 la «médaille du Nil», la plus haute distinction en Egypte.