Steve Maman, l'homme qui rachète les femmes et enfants esclaves de Daesh
DECRYPTAGE•Cet homme d’affaires canadien souhaite «sauver tous les enfants kidnappés» par l'organisation terroriste...B.D.
Il est surnommé le « Schindler juif ». Depuis le début de la semaine, les médias canadiens relaient l’initiative - étonnante et controversée - de Steve Maman, un homme d’affaires montréalais qui a entrepris de sauver les esclaves de Daesh. Suivant l’exemple d’Oskar Schindler - qui a permis à 1.200 juifs d’échapper aux nazis durant la Seconde guerre mondiale - il affirme avoir déjà fait libérer 128 femmes et enfants.
« J’étais devant mon ordinateur et je suis tombé sur une photo d’enfants emprisonnés dans une cage. Je venais de voir le film La liste de Schindler (Steven Spielberg). À ce moment-là, je me suis dit que je devais agir », a raconté ce juif séfarade d’origine marocaine au Figaro. C’était à la fin 2014. Le vendeur de voitures de collection ne peut plus s’ôter de l’esprit l’horreur que vivent les enfants et les femmes de confession chrétienne et yézidie, prisonniers de Daesh, et il décide d’agir. Dans ses contacts professionnels, le révérend Canon Andrew White, qui a vécu en Irak, jusqu’en novembre 2014.
Négociateurs et courtiers
Grâce aux relations de son ami sur le terrain, le père de famille apporte d’abord son aide à trois familles chrétiennes, dont le village se trouve sur le chemin de Daesh en Irak. Comme il le raconte le site du journal canadien La Presse, en janvier dernier, il les fait sortir d’Irak et les « relocalise » à Ankara, en Turquie. Il tente actuellement de « les parrainer pour qu’ils viennent s’installer au Canada en tant que réfugiés ». Mais il ne s’arrête pas là. Finançant lui-même les opérations, il parvient à faire libérer des enfants et des jeunes filles. Une fois sortis des territoires contrôlés par Daesh, ils sont « escortés vers un emplacement sûr dans le nord de l’Irak où l’abri, la nourriture, et les soins médicaux à court terme ont été fournis », indique encore le businessman au Figaro, précisant que l’objectif est de les aider à retrouver leurs familles.
Comment ces opérations de sauvetage ont-elles lieu ? Son équipe basée en Irak, « en partie composée de négociateurs d’otages », est en contact avec « des courtiers à l’intérieur du califat », « des gens qui sont évidemment de la religion de l’Islam, mais qui ne sont pas nécessairement d’accord avec les pratiques envers les chrétiens et les yézidis qui sont retenus », a-t-il expliqué sur les ondes d’ICI Radio Canada. Ces courtiers négocient directement avec les « propriétaires ». Les modalités de ces tractations, Maman dit les ignorer et ne pas vouloir en connaître la teneur. Il précise cependant que « le prix (…) se situe entre 1.000 et 3.000 dollars » canadiens (1.300 et 2.000 euros).
Pour que tout un chacun devienne « un Schindler moderne »
Et, pour pouvoir « sauver tous les enfants kidnappés », il a créé au mois de juin dernier une fondation à but non lucratif - CYCI (Liberation of Christian and Yazidi Children of Iraq)- et lancé le 5 juillet un appel au crowdfunding via la plateforme Gofundme, citant le Talmud - « Celui qui sauve une vie sauve l’humanité toute entière » - et soulignant que son initiative « permet à tout un chacun de devenir un Schindler moderne ». En un mois, plus de 519.000 dollars canadiens (près de 347.000 euros) sur les 2 millions espérés ont été levés. Peut-être grâce aux vidéos de libérations d’otages réalisées par CYCI, où ils racontent leur histoire, remplissent un formulaire et laissent leurs empreintes. Ils sont également enregistrés au Bureau des questions relatives aux otages, administration kurde qui permet à la fondation d’officialiser la libération et de s’assurer de son identité.
Cependant, certains rappellent que, par ce biais, il finance les activités de Daesh et incite l’organisation terroriste à multiplier les enlèvements, alors que les rançons représentent 10 % du financement du groupe. « Nous sommes la seule organisation officielle qui tente de sauver ces enfants », a souligné Steve Maman dans La Presse, martelant qu’il n’est pas un sympathisant du groupe et ne transige pas directement avec lui. « Je cherche des solutions. Je vous rappelle que les juifs ont vécu l’Holocauste et les pays ont mis six ans à réagir. Pourquoi attendre pour sauver ces enfants ? »