Hôpital de MSF bombardé en Afghanistan: «C'est la pire catastrophe que nous ayons connue»
INTERVIEW•Mathilde Berthelot, de Médecins sans frontières, fait part de son indignation après le grave incident de samedi...Propos recueillis par Victor Point
«Un crime de guerre. » Christopher Stokes ne cache pas sa colère. Dans un communiqué publié dimanche soir, le directeur général de Médecins sans frontières (MSF) dénonce « l’attaque abominable qui a eu lieu contre [l'] hôpital » de l’ONG à Kunduz. Dans la nuit de vendredi à samedi, la principale ville du nord-est de l’Afghanistan a été la cible de bombardements de l’Otan qui tente, avec les forces afghanes, de reprendre la localité conquise par les talibans lundi dernier. L’un des principaux bâtiments du centre de MSF a été touché. Résultat : 22 morts, dont 12 employés de l’ONG et dix civils (dont trois enfants). Mathilde Berthelot, responsable des programmes pour MSF France en Afghanistan, ne parvient pas à comprendre comment des bombardements de l’Otan ont pu provoquer une telle catastrophe.
Savez-vous précisément ce qu’il s’est passé samedi ?
Nous ne savons pas grand-chose. Mais ce bombardement est tout simplement inimaginable. Depuis la conquête de la ville par les talibans lundi dernier, nous avions pris soin de communiquer nos coordonnées GPS aux deux parties. Et après les premières bombes tombées sur l’hôpital, nous avons à nouveau alerté les responsables des deux camps. Le bombardement a pourtant continué pendant plus d’une heure [entre 2h08 et 3h15 du matin heure locale] !
Selon des officiels afghans, le bâtiment était truffé de talibans…
Le bilan parle pour nous. 22 morts (sans compter les blessés graves) dans le bombardement, aucun insurgé, uniquement des membres de MSF et des patients déjà dans un mauvais état. La structure qui était visée contenait la salle d’opérations, celle de soins intensifs et les salles de réveil. Pour MSF, c’est clairement un crime de guerre. C’est simple, c’est la pire catastrophe qu’ait connue l’ONG depuis sa création.
Depuis quand étiez-vous présents dans la région ?
Ce centre a ouvert en août 2011. La zone était déjà très instable, mais nous avons pris le temps de nous faire accepter. Cet hôpital demeurait le seul centre fonctionnel pour traiter les cas de traumatologie (les victimes des combats) pour toute la région et quelques régions voisines. Maintenant que nous avons été contraints de partir, nous craignons une catastrophe humanitaire.
Quelles suites allez-vous donner à ces bombardements ?
Nous demandons qu’une enquête soit menée par un organisme indépendant. Le Pentagone a déclaré qu’ils allaient faire une enquête interne, mais ce n’est pas suffisant. Nous ne pourrons pas revenir à Kunduz tant que la lumière ne sera pas faite sur cet incident.