MONDESyrie: La contestation ne faiblit pas

Syrie: La contestation ne faiblit pas

MONDEPlusieurs personnes ont été tuées...
E.M. avec Reuters

E.M. avec Reuters

Le président syrien Bachar al Assad, au pouvoir de depuis onze ans, est confronté à la plus grande vague de contestation de son régime et les manifestations s'étendent dans plusieurs villes du pays.

Manifestations

Samedi, un local du parti Baas, au pouvoir depuis 1963, et un commissariat ont été incendiés à Tafas, près de Deraa, épicentre de la contestation dans le sud du pays. Des milliers de personnes se sont rassemblées dans le village aux cris de «liberté !» pour les obsèques de Kamal Baradan, un manifestant tué la veille.

A Deraa même, des centaines de contestataires se sont retrouvés sur la place centrale, a rapporté un témoin. Trois jeunes hommes torse nu se sont hissés sur les restes de la statue de l'ex-président Hafez al Assad déboulonnée et incendiée la veille, en brandissant des pancartes portant le slogan: «Le peuple veut la chute du régime».

Morts

En fin d'après-midi, les forces de l'ordre ont tiré des grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants, a dit un témoin. Selon des responsables hospitaliers, des dizaines de personnes ont été tuées cette semaine près de Deraa. D'après des témoignages, une vingtaine de protestataires ont trouvé la mort dans la seule journée de vendredi. Des manifestations ont eu lieu vendredi dans la capitale, Damas, et à Hama, plus au nord, théâtre d'une répression sanglante d'un soulèvement islamiste qui avait fait jusqu'à 20.000 morts sous le régime d'Hafez al Assad en 1982.

A Sanamein, dans le sud du pays, des habitants ont rapporté que 20 personnes avaient été tuées lorsque des hommes armés ont ouvert le feu sur la foule rassemblée devant un bâtiment utilisé par les services de renseignements militaires. Les autorités syriennes ont accusé des opposants armés de participer aux manifestations et ont estimé que l'usage de la force était justifié.

Tôt samedi, des mosquées de Deraa avaient annoncé le nom des «martyrs» dont les funérailles seraient organisées plus tard dans la journée.

Révoltes arabes

S'inspirant des révolutions tunisienne et égyptienne qui ont fait tomber des régimes en place depuis des décennies, les dizaines de milliers de personnes qui ont participé aux obsèques de manifestants tués cette semaine ont scandé «Liberté" à l'issue des prières du vendredi.

Après le déboulonnage de la statue d'Hafez el Assad, des membres des forces de l'ordre en tenue civile avaient ouvert le feu à l'arme automatique sur les manifestants à partir de bâtiments alentour.

La foule d'environ 3.000 personnes s'est alors dispersée sous une pluie de balles et de grenades lacrymogènes. Deraa est un bastion de la majorité sunnite du pays, qui dénonce le pouvoir et les richesses accumulées par une élite issue de la secte minoritaire alaouite, issue du chiisme, à laquelle appartient le clan Assad.

Selon Amnesty International, la répression des manifestations a fait au moins 55 morts au cours de la semaine écoulée.

Pour Edward Walker, ancien ambassadeur américain en Egypte, «les membres de la minorité alaouite, tellement détestés, savent que s'ils perdent le pouvoir, s'ils sont vaincus par la révolution, ils finiront pendus aux réverbères». «Ils sont le dos au mur», ajoute-t-il.

Etat d'urgence

Assad a annoncé jeudi qu'il étudiait la levée de l'état d'urgence en vigueur depuis la prise de pouvoir du parti Baas en 1963 et a promis une législation sur la liberté de la presse ainsi que sur les partis politiques.

Selon un avocat d'une organisation de défense des droits de l'homme, les autorités ont libéré vendredi 260 prisonniers, en majorité des islamistes, de la prison de Saïdnaya, au nord-est de Damas. Selon l'International Crisis Group, Assad pourrait faire de nouvelles concessions afin d'éviter une confrontation et lancer des réformes politiques et économiques.

«La Syrie se trouve à ce qui pourrait être un tournant de son régime», a écrit le groupe de réflexion vendredi. «Il y a seulement deux options. L'une implique une initiative immédiate et politiquement risquée qui pourrait convaincre le peuple syrien que le régime souhaite s'engager dans des changements spectaculaires. L'autre entraîne une répression qui a toute les chances de mener à une issue sanglante et odieuse.»

Abdelhalim Khaddam, ancien vice-président syrien qui a quitté en 2005 le parti Baas, a déclaré samedi que "le sang des martyrs balaiera ce régime" et a appelé les forces armées "à faire un choix patriotique en disant clairement si elles sont avec le peuple ou avec la famille au pouvoir". Khaddam, qui n'est pas très populaire dans l'opposition en raison de son rôle passé au service du pouvoir, s'exprimait dans une vidéo diffusée sur le site internet du Beirut Observer.

Maamoun al Homsi, autre figure de l'opposition syrienne en exil, a exhorté vendredi la communauté internationale à intervenir pour mettre un terme «au massacre des civils». La répression de manifestations a été condamnée par la communauté internationale mais les observateurs ne croient pas à une intervention militaire en Syrie, alliée de l'Iran et impliquée dans les multiples points chauds de la région.