Proche-Orient: Le délicat exercice d'équilibriste d'Obama

Proche-Orient: Le délicat exercice d'équilibriste d'Obama

DECRYPTAGE – Quelle politique pour Obama au Proche-Orient, alors que Benjamin Netanyahu rencontre le président américain mardi, sur fond de tensions diplomatiques...
Philippe Berry

Philippe Berry

De notre correspondant à Los Angeles

Le ton se durcit. Lors du voyage de Joe Biden en Israël début mars, l'Etat hébreu a annoncé la construction de 1.600 logements à Jérusalem-est. Une «insulte» à la diplomatie américaine, selon Hillary Clinton. Depuis, les relations se sont tendues entre les deux «amis». Jusqu'où? Le point avec David Pollock, expert à l'Institut de Washington pour la politique au Proche-Orient, alors que le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu doit rencontrer Barack Obama, mardi et que les bombardements israéliens répondent aux tirs de roquettes palestiniens.

La plan d'Obama, c'est quoi?

Sur ForeignPolicy.com, Mark Lynch se demande si le président a un véritable plan sur le long terme ou s'il ne réagit qu'au coup par coup. «Il y a une vraie vision», défend David Pollock. Selon lui, la stratégie de la Maison Blanche consiste à «exercer une subtile pression sur les deux partis pour les pousser au compromis» vers une solution à deux Etats. Un délicat équilibre à trouver. «Si vous exercez trop de pression à sens unique sur Israël, les Palestiniens sont tentés d'en demander plus». A l'inverse, trop de latitude laissée à l'Etat hébreux, et Washington se met à dos tout le monde musulman voisin.

Le changement de ton, vraie colère ou nouvelle tactique?

Un peu des deux. Colère sur le timing de l'annonce de la poursuite de la colonisation, au moment où le vice-président américain se trouvait sur place. Sur CNN, la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, a même parlé d'insulte» faite à la diplomatie américaine et Joe Biden a estimé que la décision d'Israël «jetait le doute» sur sa volonté de négocier pour la paix. Mais pour David Pollock, il semble que Washington «y a vu une opportunité pour mettre un peu de distance avec le gouvernement israélien et faire un geste envers le monde musulman à l'approche du premier anniversaire du discours d'Obama du Caire et de son voyage –repoussé– en Indonésie». L'exercice d'équilibriste vise à «tracer une ligne entre le soutien à Israël et celui à son gouvernement».

Obama peut-il aller au-delà du simple durcissement de ton?

Oui, mais c'est peu probable. Devant le puissant lobby juif de l'AIPAC lundi, Hillary Clinton a souligné que le soutien des Etats-Unis à Israël était «solide comme un roc». Mais dans une rhétorique très sarkozyste, elle a précisé qu'une amitié, «cela signifie parfois se dire la vérité» en face. Au-delà des mots, Washington dispose de plusieurs cartes, comme retarder certaines livraisons d'armes ou ne pas soutenir systématiquement Israël dans les votes à l'ONU. Mais David Pollock ne voit «pas de tel scénario à l'horizon».

Les lobbies juifs pèsent-ils dans la politique d'Obama au Proche-Orient?

«C'est secondaire», estime Pollock. Certes, son chef de cabinet, Rahm Emanuel, a servi dans l'armée israélienne comme civil volontaire et Obama doit faire avec le Sénat qui compte des membres 100% pro-Israël comme Joe Lieberman. Mais pour l'expert, la relative prudence de Washington s'explique par «les doutes légitimes» sur la capacité des dirigeants palestiniens, sous influence de la Syrie et de l'Iran, à se mettre d'accord pour faire la moitié du chemin vers Israël.

Faut-il malgré tout rester optimiste?

Oui, mais pas à très court terme. Depuis la poignée de main en 1993 entre Arafat et Rabin, le processus de paix a été marqué par «de nombreuses déceptions», reconnait Pollock. Par deux fois en 2008 et surtout en 2000, un accord a été rejeté par les Palestiniens. A l'heure actuelle, la Maison Blanche se demande si Netanyahu ne jouait pas simplement la montre. «Peut-être que son gouvernement (coalition avec la droite nationaliste, ndr) n'est pas le bon interlocuteur et qu'il faudra attendre le suivant», concède l'expert. Mais selon lui, il ne faut pas céder au cynisme. «La paix perdure entre Israël et l'Egytpe ou la Jordanie». Et surtout, «un consensus pragmatique sur une solution à deux Etats fait son chemin des deux côtés».