Levée de boucliers contre la politique migratoire du gouvernement
IMMIGRATION•Les associations ont fait part de leur «déception» à l'issue d'une réunion avec le Premier ministre jeudi à Matignon, où elles n'ont senti «aucune volonté d'infléchir» le projet de loi sur l'immigration...20 Minutes avec AFP
Très remontées contre la politique migratoire du gouvernement qu'elles viennent d'attaquer au Conseil d'Etat, les associations ont fait part de leur «déception» à l'issue d'une réunion avec le Premier ministre jeudi à Matignon.
«Il y a une déception» sur le projet de loi «asile et immigration» qui «semble déséquilibré» avec «un durcissement très net» faisant la part belle aux expulsions, a affirmé à l'issue de cette réunion de trois heures Louis Gallois, le président de la Fédération des acteurs de la solidarité. «Nous souhaitons que la concertation se continue», a-t-il toutefois ajouté.
«Se garder des faux bons sentiments»
Depuis Rome, Emmanuel Macron, en réponse aux critiques des associations et d'intellectuels, dont il a dénoncé la «confusion», avait précédemment estimé qu'il fallait «se garder des faux bons sentiments», assurant que «la France n'est pas fermée».
La réunion rassemblait notamment autour d'Edouard Philippe les ministres Gérard Collomb (Intérieur) et Jacques Mézard (Logement), ainsi qu'une trentaine d'associations, de la Ligue des droits de l'Homme jusqu'à Médecins du monde en passant par Emmaüs et le Secours catholique.
«Il y a eu un échange, une expression mais aucune volonté d'infléchir» le texte, a déploré Thierry Kuhn, le président d'Emmaüs France. Le projet de loi, dont les grandes lignes ont été transmises aux associations mercredi, a été conçu pour équilibrer fermeté de la lutte contre l'immigration irrégulière et amélioration de l'accueil des réfugiés. Selon une source gouvernementale, le texte arriverait, selon les plans de l'exécutif, «fin février» en conseil des ministres, puis au Parlement «au printemps», sans doute en avril.
«On a l'impression que lâcher quelque chose de la part du gouvernement semble impensable», a affirmé Patrick Doutreligne, le président de l'Uniopss (Union nationale d'associations sanitaires et sociales). Du côté de Matignon, on assure que «des discussions techniques vont se poursuivre avec les associations et les ministères concernés».
«La bataille continue»
Quelques heures avant la rencontre, plus de vingt associations avaient saisi le Conseil d'Etat pour obtenir la suspension en urgence d'une circulaire très contestée, organisant un recensement des migrants dans l'hébergement d'urgence, y voyant «un véritable tri».
Les plaignants dénoncent notamment l'envoi d'«équipes mobiles» de fonctionnaires dans les centres, mesure «dénuée de base légale», «parfaitement contraire aux droits et libertés», et qui «porte une atteinte grave et immédiate» aux associations et à leur action.
La circulaire n'était pas à l'ordre du jour mais les associations ont pris connaissance d'«avant-propositions» d'un rapport sur l'intégration, confié au député La République en marche Aurélien Taché, a-t-on indiqué du côté de Matignon, en laissant entendre que ces recommandations pourraient inspirer des inflexions au texte de loi. «On fera converger la discussion parlementaire avec les propositions de ce rapport de manière à enrichir le texte de ce volet», a-t-on précisé de même source.
Aussi les associations reportent-elles désormais leurs espoirs sur les députés qui seront amenés à plancher sur le texte. «Il y aura bientôt la discussion parlementaire et la bataille continue», a assuré Pierre Henry, le directeur général de France terre d'asile.
Le gouvernement s'emploie depuis la rentrée à un délicat travail d'explication auprès des parlementaires. «L'humanisme et le pragmatisme ne sont pas incompatibles», a assuré jeudi le délégué général de La République en marche, Christophe Castaner, sur France Info.
«Un déni d'humanité insupportable»
Sur ce sujet traditionnellement polémique, les critiques se sont poursuivies jeudi à gauche, Benoît Hamon dénonçant sur RTL le discours du gouvernement qui «prétend être humain» et «a la politique la plus dure depuis Nicolas Sarkozy».
Mais des voix plus inattendues s'élèvent aussi. Les migrants ne sont pas «une vague déferlante», a affirmé Jean-Jacques Eledjam, le président de la Croix-Rouge française, peu familier des prises de positions publiques, dans une tribune à L'Obs. Et après la conférence des évêques de France appelant à «sanctuariser» les lieux d'hébergement, le prix Nobel de littérature Jean-Marie Gustave Le Clézio a dénoncé «le tri» entre migrants, y voyant «un déni d'humanité insupportable».
«Il y a beaucoup de confusion chez les intellectuels», a affirmé depuis Rome Emmanuel Macron, en soulignant que «nous sommes face à des vagues migratoires (...) qui sont inédites depuis la fin de la Seconde guerre mondiale».