POLITIQUEQui est donc le président chinois Xi Jinping, devenu l'égal de Mao?

Chine : Qui est donc le président Xi Jinping, devenu l'égal de Mao?

POLITIQUEBelle semaine pour Xi Jinping. Le président chinois sort du 19e congrès du Parti communiste chinois avec un nouveau mandat de cinq ans à la tête du parti ainsi que son nom et sa « pensée » inscrits dans le marbre de la charte du Parti...
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

Une silhouette massive terminée par une tête ronde. Son apparente bonhomie lui a valu à plusieurs reprises d’être comparé à Winnie l’ourson. Xi Jinping, le tout-puissant président chinois, n’a guère apprécié et voilà comment l’ours jaune ventru s’est retrouvé censuré en Chine.

Si Winnie a disparu, Xi Jinping, lui, est en passe de s’installer durablement à la tête de la deuxième puissance mondiale. Mercredi, « Oncle Xi », comme il est parfois surnommé a obtenu sans surprise, à 64 ans, un nouveau mandat de cinq ans à la tête du Parti communiste chinois (PCC). Son nom et sa « Pensée » viennent aussi d’être inscrits dans la charte du PCC, un honneur réservé jusqu’ici à Mao Tsé-toung, fondateur du régime, et à titre posthume à Deng Xiaoping, grand artisan des réformes économiques. Ce privilège laisse suggérer que Xi Jinping, secrétaire général du parti depuis l’automne 2012, et président de la Chine depuis 2013, pourrait s’affranchir désormais de la limite d’âge théorique de 68 ans pour gouverner.

Fils de paria

Une progression fulgurante pour ce « fils de paria », son père, héros des guérillas communistes n’étant pas parvenu à passer entre les mailles des purges maoïstes. Malgré tout, « Xi fait partie de ces fils qui veulent réparer le Parti et non s’en venger », estime le journaliste François Bourgon, auteur de « Dans la tête de Xi Jinping », interrogé par l’AFP.

Un diplôme d’ingénieur chimiste en poche, Xi Jinping entre dans l’appareil du Parti l’année de ses 21 ans. Gouverneur du Fujian en 2000, patron du Parti au Zhejiang en 2002, deux provinces côtières vitrines des réformes économiques, il est appelé par le président Hu Jintao pour faire le ménage en 2007 à Shanghai, où le chef du Parti a été emporté par un scandale de corruption. La même année, Xi Jinping entre au Comité permanent du Bureau politique, le cénacle dirigeant du PCC, dont il prendra les rênes en novembre 2012.

Vers où emmène-t-il désormais la Chine ? Pour le savoir, un coup d’oeil dans le rétroviseur, sur les cinq années de son premier mandat, s’impose.

Tour de vis autoritaire. La pensée Xi Jinping et démocratie ne vont pas forcément de pair. Le premier mandat d’« Oncle Xi » est marqué par une réduction sensible des libertés. Les vastes coups de filet contre les militants des droits de l’homme en 2015 ou la mort en prison du dissident chinois Liu Xiabao, prix Nobel de la paix 2010 en témoigne. Tout comme, globalement, le contrôle renforcé sur d’Internet.

Ce tour de vis autoritaire transparaît aussi à travers la vaste campagne anticorruption lancée par Xi Jinping à son arrivée au pouvoir. Elle a sanctionné pas moins de 1,5 million de personnes, dont des hauts dirigeants chinois. On le soupçonne d’en profiter pour écarter des rivaux politiques. « Cette campagne est aussi une façon aussi d’asseoir sa popularité parmi les catégories les plus modestes en se donnant l’image de celui qui s’attaque aux privilèges des cadres », estime Alice Ekman, responsable des activités Chine au centre Asie de l’ Ifri (Institut français des relations internationales).

Un PCC tout puissant. Xi Jinping est sans ambiguïté sur ce point. « Tout doit être placé sous la direction du Parti, que ce soit les organisations du Parti, le gouvernement, l’armée, la société civile, et quelque soit l’endroit où l’on se trouve », déclarait-il dans son discours fleuve en ouverture du 19e congrès du PCC Chinois le 18 octobre.

C’est un autre fait marquant des premières années d’oncle Xi. Le Parti communiste chinois, qui compte plus de 86 millions de membres aujourd’hui, « a toujours été au cœur de la politique chinoise depuis 1949, commence Alice Ekman. Mais en cinq ans, Xi Jinping en a consolidé encore ses pouvoirs, ceci à tous les niveaux de la société chinoise. Il est présent dans les universités, les écoles, les ministères. Il est au-dessus de l’État. » « Vous ne pouvez pas faire carrière en Chine en n’étant pas membre du parti », confirme Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), spécialiste du monde chinois.

Retour aux sources. Ce renforcement des pouvoirs du PCC s’accompagne d’une consolidation idéologique et de la multiplication des allusions aux doctrines marxistes-lénininistes, le socle de base du PCC. Là encore, le discours de Xi Jinping, le 18 octobre dernier, en est la dernière preuve ne date. « Il a aussi fait renforcer l’enseignement du marxisme-léninisme à l’université », indique Alicie Ekman.

François Bougon y voit le souci de se poser comme le contre-exemple de Mikhaïl Gorbatchev, le président chinois ayant été marqué par la chute de l’URSS qu’il impute à des dirigeants trop laxistes sur la fin. « Il faut y voir plus qu’un simple calcul politique, estime pour autant Alice Ekman. Sans doute que Xi Jinping est convaincu que le marxisme-léninisme est la meilleure idéologie qu’un système politique puisse adopter. »

Gonfler les muscles à l’international. Sur la scène internationale, Xi Jinping ne manque pas d’ambitions. « La nouvelle ère du socialisme à la chinoise » qu’il promet à ses concitoyens se fixe l’objectif d’être la première puissance mondiale en 2050. « L’époque où la Chine faisait profil bas à l’international, est définitivement révolue, observe Alice Ekman. Xi Jinping considère qu’il est temps que la Chine occupe une place importante dans la région et dans le monde et qu’il est possible de promouvoir un modèle de développement alternatif à celui que prône l’Occident. Xi Jinping se rend très fréquemment en visite à l’étranger et le pays est très actif à l’ONU et dans d’autres institutions internationales. »

Actif ne veut pas dire partenaire facile. « Xi Jinping promeut une diplomatie très persévérante, qui n’hésite pas à revenir à la charge pour défendre ardemment les intérêts chinois », reprend Alice Ekman.

Omniprésent… et sans rival ? « En Chine, le pouvoir est réparti en trois piliers : le PCC, l’État et l’armée, commence Jean-Vincent Brisset. Aujourd’hui, Xi Jinping a les trois casquettes puisqu’il est secrétaire général du PCC, président de la république populaire, et de la commission militaire centrale. » Omniprésent, Oncle Xi l’est aussi dans les médias ouvrant quasi quotidiennement l’ouverture du grand journal télévisé du soir.

Est-il pour autant incontesté ? « Difficile à savoir en Chine, on ne peut pas dire publiquement tout ce qu’on pense, poursuit Jean-Vincent Brisset. Il a priori réussi à asseoir son contrôle sur l’armée et l’État. Mais a-t-il aussi le soutien de tous les hauts dirigeants du PCC dans les provinces chinoises ? La question se pose. » Pour le directeur de recherche à l’Iris, il faudra alors être attentif à la politique de Xi Jinping dans les prochains mois. « S’il continue les purges, cela voudra dire qu’il estime avoir encore une opposition solide contre lui. »