Rohingyas: Les «fake news» se multiplient autour de la crise en Birmanie
DESINTOX•La tragédie vécue par les Rohingyas est exploitée sur les réseaux sociaux…Mathilde Cousin
L'essentiel
- Cette minorité est actuellement persécutée en Birmanie et subit de nombreuses violences de la part de l’armée.
- Sur les réseaux sociaux, les fausses informations autour du conflit circulent.
- Il n’est pas possible de retirer son prix Nobel à Aung San Suu Kyi.
Depuis le 25 août, plus de 123 000 Rohingyas, une minorité musulmane, ont fui la Birmanie en direction de l’État voisin, le Bangladesh. Le nouvel épisode d’un conflit ancré depuis plusieurs décennies dans ce pays à majorité bouddhiste.
Alors que la présidente birmane Aung San Suu Kyi a dénoncé la « désinformation » sur la crise, sur les réseaux sociaux, les partisans du gouvernement birman et ceux de la minorité s’affrontent à coup d’images et de vidéos, souvent extrêmement violentes. Ces publications détournent souvent des images qui ne sont pas liées au conflit. On décrypte quatre intox qui circulent sur les réseaux sociaux.
Non, cette vidéo ne montre pas des Rohingyas enterrés vivants
Dans une vidéo partagée près de 4 000 fois sur Facebook, on voit des personnes installées dans une tranchée, tandis que des hommes, dont certains portent un uniforme, les observent, les films et les photographient. Cette vidéo est présentée comme montrant « des musulmans enterrés dans une fosse » en Birmanie. Cependant, il manque beaucoup d’éléments dans la présentation de la vidéo : quand elle a été tournée, dans quel endroit exact, qui sont les personnes filmées…
Cette vidéo ne montre pas des personnes en train d’être enterrées vivantes et la scène filmée ne se déroule très probablement pas en Birmanie. En effet, les uniformes portés par les hommes autour du fossé sont des indices pour identifier le lieu de tournage : les chemises grises et les bérets avec un insigne sont semblables aux uniformes de la police indonésienne. Les policiers birmans portent eux aussi une chemise grisée, mais leur couvre-chef est une casquette.
Autre indice qui fait pencher la balance en faveur de la police indonésienne : on voit, 25 secondes avant la fin de la vidéo, deux policiers avec des boucliers sur lesquels sont inscrits la mention « Polisi », le mot que l’on trouve sur les boucliers de la police indonésienne. La police birmane utilise le mot « Police ». La vidéo semble donc plutôt montrer une manifestation d’activistes indonésiens encadrée par la police.
Est-il possible d’enlever son prix Nobel à Aung San Suu Kyi ?
Les statuts de la fondation Nobel sont très clairs : il n’est pas possible de retirer un prix à un lauréat. Les pétitions qui réclament le retrait du prix Nobel de la paix à Aung San Suu Kyi ont donc peu de chances d’aboutir. La présidente birmane a été distinguée pour son action en 1991, alors qu’elle était opposante au régime mis en place par les militaires.
aLe bouddhiste birman Khin Nyunt n’a pas eu d’accident de car
C’est une fausse nouvelle propagée sur les réseaux sociaux : « Le bouddhiste birman Khin Nuynt, qui ordonna le massacre des Rohingyas, serait entre la vie et la mort après un accident de car survenu hier », accompagnée de trois photos qui montreraient Khin Nuynt. Khin Nuynt a été Premier ministre de la Birmanie pendant un an, de 2003 à 2004.
Ces photos, publiées avec le tweet, n’attestent pas de la véracité de l’information, bien au contraire : les deux photos en couleur qui montrent des moines sur le bord de la route ont été prises en 2012 au Laos, et montrent des moines chinois (la publication originale est ici, attention des photos peuvent choquer).
Quant à l’image en noir et blanc, elle semble être tirée d’une image qui circule sur des comptes turcs sous forme de mème. Ce mème est utilisé par les comptes turcs pour faire référence à la Birmanie. Cet accident de car est donc faux, d’autant plus qu’on n’en trouve pas trace dans les médias locaux.
Des temples détruits par les Rohingyas ?
Les deux camps s’affrontent aussi sur les réseaux sociaux. Les partisans du régime birman se rejoignent avec les hashtags #SaveRakhine (une région birmane) et #ARSA (cet acronyme désigne le groupe armé formé par des Rohingyas). Plusieurs comptes Twitter émanant de ce camp pro-régime accusent la minorité d’avoir attaqué des temples hindous ou bouddhistes.
aProblème : les photos diffusées dans ces tweets montrent une attaque qui a eu lieu au Bangladesh en 2016. Là encore, une image ne garantit pas que l’information est véridique.
20 Minutes est partenaire de Facebook pour lutter contre les fake news. Grâce à ce dispositif, les utilisateurs du réseau social peuvent signaler une information qui leur paraît fausse. Vous pouvez contacter l’équipe en écrivant à [email protected].