VIDEO. Ce moment où John McCain a baissé le pouce, défié Trump, et sauvé Obamacare
ETATS-UNIS•Le sénateur républicain a fait pencher la balance pour couler l'ultime tentative d'abroger la réforme de la santé d'Obama…Philippe Berry
1h29 du matin à Washington. Depuis plus de sept ans, les républicains n’ont que ce mot à la bouche : « Repeal and replace Obamacare », « annuler et remplacer » la réforme de la santé signée par Barack Obama en 2010. Après le fiasco du printemps à la Chambre, les derniers espoirs de Donald Trump reposent sur le Sénat. Encore une fois, c’est le vote du républicain John McCain, revenu en urgence de l’Arizona, 11 jours après son opération d’une tumeur au cerveau, qui va être décisif. Mardi, il a sauvé son parti en permettant d’ouvrir les débats. Après une folle journée, jeudi, il s’avance sur la moquette bleue du Sénat. Tous les élus ont les yeux braqués sur lui. Les journalistes sont collés au live stream de la chaîne C-SPAN. Torturé pendant cinq ans par les Vietcongs, le visage encore marqué par son opération, John McCain, 80 ans, lève péniblement le bras et…
Le vote de la dernière chance
12 heures plus tôt. Après deux échecs cette semaine pour éliminer complètement Obamacare, les républicains tentent un « Hail Mary », une passe de la dernière chance : faire voter un « skinny repeal », une abrogation a minima. L’idée est d’annuler le mandat qui oblige les Américains à souscrire une assurance santé mais de ne pas toucher à d’autres parties de la loi. De quoi permettre à Donald Trump de sauver la face en lui offrant une victoire, même partielle. Comme pour une dissert de philo de terminale, les républicains, qui ont ont eu des années pour se préparer, rédigent le texte à la dernière seconde, en secret, pendant leur pause déjeuner. Trump encourage ses troupes sur Twitter.
aLe projet de loi « le plus stupide de l’histoire »
Alors qu’on attend toujours de connaître les détails, quatre sénateurs républicains tiennent une conférence de presse improvisée en fin d’après-midi. Lindsay Graham explique que ce projet de loi « mal fagotté » est politiquement « le truc le plus stupide de l’histoire » mais qu’il est prêt à voter pour si le patron de la Chambre promet que le texte sera amélioré lors de la navette parlementaire. John McCain, lui, indique qu’il n’a pas encore pris sa décision.
Minuit passé. Comme prévu, les deux sénatrices républicaines modérées, Susan Collins et Lisa Murkowski, personnellement attaquées par Donald Trump, ont voté contre le texte. On en est donc à 50 voix contre et 49 pour. Tout le monde attend John McCain. Qui arrive avec le sourire. « Attendez pour le show », lance-t-il aux journalistes. Le sénateur démocrate Chris Murphy fait du teasing sur Twitter : « Je suis tombé sur John McCain alors que nous marchions dans le souterrain du Sénat. Un jour, je raconterai à mon petit-fils ce qu’il m’a dit. »
Le coup de fil de Donald Trump
Dans la salle du Sénat, le vice-président Mike Pence s'avance vers John McCain et tente de le convaincre pendant plus de 20 minutes. Sur Twitter, tout le monde devient un expert en langage corporel.
McCain s’éclipse un instant. Selon Politico, le speaker de la Chambre, Paul Ryan, et le président américain en personne, lui passent un coup de fil pour faire pencher la balance. Donald Trump et John McCain se détestent, ce n’est pas un secret. En juin 2015, lors de la primaire républicaine, Trump, dispensé de service militaire à cause de ses études et d’un problème au talon, attaque le statut de héros de guerre de McCain, lançant : « Ce n’est pas un héros, je préfère les soldats qui ne se font pas capturer » (l’avion de John McCain avait été abattu au Vietnam en 1967). Depuis cet épisode, le sénateur de l’Arizona a été l’un des critiques les plus virulents du président, notamment sur la Russie. Mais jusqu’à présent, il a toujours serré les rangs quand cela comptait.
McCain revient dans la salle. Il discute un moment avec des démocrates et la sénatrice Dianne Feinstein lui fait un hug. Marco Rubio mâche nerveusement son chewing-gum.
1h29. John McCain s’avance. Il lève le bras. Tel un empereur romain, il baisse le pouce. Le texte est condamné à mort 51-49. Des sénateurs républicains étouffent des cris. Des démocrates commencent à applaudir et leur chef leur fait des grands signes pour arrêter. Obamacare est sauvé. Pour l’instant.