Jusqu’où vont les pouvoirs du président américain en matière de politique migratoire ? La question, née de la volonté de Donald Trump de fermer les frontières des Etats-Unis à d’éventuels « terroristes », a engendré un énorme casse-tête juridique. Elle pourrait bien finir devant la Cour suprême à Washington, censée tracer le cadre constitutionnel de l’exécutif et unifier la jurisprudence.
Mais, en attendant, l’affaire s’est cristallisée mardi à la cour d’appel de San Francisco, lors d’une audience téléphonique qui a duré un peu plus d’une heure. L’avocat de l’administration Trump y a assuré à trois juges d’appel fédéraux, qui semblaient parfois sceptiques, que le président était dans son droit avec ce décret, motivé par des craintes sécuritaires, et qu’il devait être réinstauré.
Réinstaurer le décret « replongerait le pays dans le chaos »
La session, suivie en ligne par 137.000 personnes à travers le monde, s’est terminée sans décision mais celle-ci devrait être prise « dans la semaine » selon un porte-parole de la Cour. Cette audience n’examinait que la suspension décidée vendredi par un juge de Seattle du décret du 27 janvier, qui interrompt aussi l’accueil des réfugiés aux Etats-Unis, et non sa constitutionnalité.
Lors de l’audience à la Cour d’appel de San Francisco, August Flentje, conseiller spécial du département de la Justice, a assuré que le décret « était tout à fait dans les pouvoirs du président […] et est constitutionnel ». Interrogé sur les preuves du gouvernement sur les liens entre les pays incriminés (Iran, Irak, Yémen, Syrie, Libye, Somalie et Soudan) et le terrorisme aux Etats-Unis, il n’a toutefois pas donné d’exemples précis.
aAugust Fentje a aussi contesté la légitimité de l’Etat de Washington dans ce litige mais a laissé échapper lui-même peu après : « Je ne suis pas sûr de convaincre la Cour. » De son côté, le représentant de l’Etat de Washington, Noah Purcell, a rappelé que la Justice a pour but de « contrôler les abus de l’exécutif » et a dit que réinstaurer le décret « replongerait le pays dans le chaos ». Le décret, qui a fait scandale dans le monde, a été suivi de nombreux retards et annulations de vols et de manifestations partout aux Etats-Unis.
« Motivé en partie par le désir de nuire aux musulmans »
Il a ensuite noté que le gouvernement n’avait pas démontré de « dommages irréparables » que pourrait engendrer la suspension temporaire du décret. A l’inverse, l’Etat de Washington, a-t-il énuméré, a eu « des étudiants et professeurs coincés à l’étranger, des familles qui ont été séparées, des résidents de longue durée qui ne peuvent voyager car ils ne savent pas s’ils seront en mesure de revenir, nous avons des pertes de revenus… ».
La question la plus délicate à laquelle il a eu à répondre portait sur l’accusation de discrimination religieuse appliquée au décret alors que les pays visés représentent « moins de 15 % » des musulmans dans le monde. Noah Purcell a répliqué qu’il n’était pas nécessaire, pour prouver la discrimination religieuse, que le décret « ne nuise qu’aux musulmans ou à tous les musulmans. Nous avons seulement besoin de prouver qu’il est motivé en partie par le désir de nuire aux musulmans ».
En cas de rejet de son décret, Donald Trump n’a pas exclu que l’affaire remonte jusqu’à la Cour suprême. Pour renverser la décision de la cour d’appel, il faudrait cinq juges sur huit, scénario loin d’être acquis car la plus haute cour américaine est actuellement divisée entre quatre magistrats conservateurs et quatre progressistes.