Présidentielle américaine: «Alt-right», la face cachée de Donald Trump
ETATS-UNIS•Cette mouvance, qui flirte avec le nationalisme blanc, a été directement attaquée par Hillary Clinton, jeudi...Philippe Berry
De notre correspondant aux Etats-Unis,
Cette semaine, c’est le terme en vogue. Le mouvement « alt-right » (droite alternative) vient de connaître son heure de gloire avec les attaques d’Hillary Clinton contre Donald Trump, jeudi. Mais alors que la candidate démocrate réduit cette mouvance à « une idéologie raciste émergence » et à « une frange radicale qui a pris le contrôle du parti républicain », la réalité est moins définie et plus complexe.
L’alt-right, ce n’est pas…
…Un parti politique. Ni courant à l’idéologie véritablement définie. La mouvance n’a pas de structure et pas de leader. Pour Heather Richardson, professeur d’histoire politique au Boston College, « ces voix auxquelles fait écho Trump n’appartiennent à aucun mouvement conservateur établi. Ce sont surtout des Américains désaffectés qui estiment que leur pouvoir économique, politique et culturel a diminué depuis deux générations ». Et qui n’ont toujours pas accepté l’élection de Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis.
L’alt-right, c’est…
…Un concept relativement récent. Le terme a été lancé en 2008 par Paul Gottfried, un intellectuel paléoconservateur, cette idéologie centrée sur le protectionnisme et l’isolationnisme, sur la défense de l’identité américaine/judéo-chrétienne et le rejet du multiculturalisme. L’ancien candidat à la présidentielle Pat Buchanan, ainsi que la Nouvelle Droite française des années 70, ont servi d’inspiration. Ses membres sont surtout des hommes, majoritairement blancs. Les plus influents sont jeunes, versés dans l’art du trolling sur le Web, notamment via des mèmes avec Pepe la grenouille, qui naissent sur 4chan.
Contre l’immigration, le féminisme et le politiquement correct
Dans son guide pour le grand public, le blogueur Milo Yiannopoulos, suspendu par Twitter (qui l’accuse d’avoir orchestré la campagne de harcèlement contre l’actrice afro-américaine Leslie Jones), décrit l’alt-right comme « une contre-culture ». Ses militants se retrouvent surtout dans le rejet de l’immigration, du féminisme, de la diversité et surtout du politiquement correct. Le mouvement s’était notamment illustré lors du Gamergate, attaquant violemment certaines développeuses, au prétexte que le jeu vidéo, c’était mieux avant, quand ils étaient conçus par des hommes pour des hommes.
Le spectre du racisme
Plusieurs figures de la suprématie blanche gravitent autour du mouvement comme l’ancien grand prêtre du KKK, David Duke. Selon Yiannopoulos, il s’agit « d’une minorité en voie de disparition ». Malgré ses affirmations, plusieurs « intellectuels » alt-right surfent sur des thèses radioactives comme celle du « QI racial ». Selon Yiannopoulos, il s’agit de « donner la priorité aux intérêts de sa tribu, et de reconnaître le droit aux autres, Mexicains, Afro-Américains ou musulmans, de faire pareil ». A la différence des skinheads, auxquels les militants sont souvent comparés, il dit vouloir atteindre ce but non pas par la violence mais par les urnes. Arrive Donald Trump.
Et Donald Trump, dans tout ça ?
Populiste : check. Isolationniste, anti-immigration, politiquement incorrect : trois sur trois. Le candidat surfe sur la vague. Quand il dit qu’il veut expulser 11 millions d’immigrés illégaux, construire un mur à la frontière mexicaine et interdire l’entrée du pays aux musulmans, ou qu’il relaie des théories du complot sur la santé de Clinton et évoque une élection « truquée », Trump ne parle pas à la base du parti républicain mais bien à sa frange la plus extrême. Idem quand il refuse de condamner le soutien de David Duke ou qu’il choisit comme PDG de sa campagne Steve Bannon, le patron de l’empire médiatique Breitbart, vitrine du mouvement alt-right. Parfois, Trump retweete directement des mèmes trouvés sur des forums «alt», comme cette image d'Hillary Clinton avec des dollars et une étoile de David.
Trump fait un pari mathématique
Alors qu’il n’arrive pas à séduire les minorités, il va devoir mobiliser « les électeurs blancs désaffectés », analyse le statisticien Nate Silver. S’il réussit à provoquer une participation similaire à 1992, il pourrait compter sur 8 millions d’électeurs blancs supplémentaires. Son problème, c’est qu’ils sont surtout situés dans des Etats déjà largement républicains, au Mid-West. Avec 6 % de retard sur Hillary Clinton et une carte chaque jour plus compliquée, il faudra plus que l’enthousiasme de cette droite alternative pour le porter jusqu’à la Maison Blanche.