REPORTAGEParis: A la gare du Nord, le Brexit s'invite sur le quai de l'Eurostar

Brexit: A gare du Nord, les passagers de l'Eurostar entre joie, peur et incompréhension

REPORTAGELes passagers de l’Eurostar entre Paris et Londres réagissent ce vendredi matin après l’annonce des résultats du référendum pour la sortie de l’UE du Royaume-uni…
Florence Floux

Florence Floux

A la gare du Nord à Paris, ce vendredi matin, la vie continue. Après l’annonce du Brexit tôt dans la matinée, les voyageurs se patientent normalement pour prendre l’Eurostar en direction de Londres. Pourtant, si en apparence rien n’a changé, les esprits semblent plutôt marqués par la sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni.

« Bruxelles se mêle beaucoup de ce qui ne la regarde pas »

George, 50 ans, un Londonien venu soutenir son équipe nationale pour l’Euro de football, ne cache pas sa joie. « C’est très bien, je suis très content du résultat du référendum. J’ai moi-même voté en faveur de la sortie par correspondance. Bruxelles nous dictait ce que nous devions faire, là au moins nous allons reprendre le pouvoir dans notre pays », s’enthousiasme-t-il. D’autant que pour lui, les Britanniques « ne voulaient pas entrer dans l’UE à la base, mais personne ne nous a demandé notre avis. Ce n’est que justice que nous puissions réparer tout ça aujourd’hui. »

Un son de cloche qui fait résonance également chez certains Français. « Je suis plutôt souverainiste, je comprends tout à fait leur choix, commente Andrea, 25 ans, chercheuse en philosophie et en histoire des religions, en route pour un colloque à Oxford. C’est une bonne chose de reprendre les rênes de sa propre économie. » Patrice, un Français de 40 ans qui vit en Angleterre depuis 1998, comprend également le choix des Britanniques : « Je suis d’accord avec leur vote, il y a beaucoup de choses dans l’UE qui ne vont pas. Bruxelles se mêle beaucoup de ce qui ne la regarde pas. »

Mais l’économie n’est pas toujours l’argument mis en avant par les partisans du « Leave ». Pour George, c’est la question de l’immigration, qui s’est révélée cruciale : « Lorsque vous êtes dans l’UE, vous ne pouvez pas vous débarrasser de certains immigrés qui commettent des crimes ou des délits. Bruxelles vous oppose tout de suite l’argument des droits de l’homme pour ne pas les renvoyer dans leur pays. Mais c’est fini tout ça. » Une opinion qui s’est encore un peu renforcée après les attentats du 13 novembre, dont certains kamikazes avaient emprunté la route des migrants.

« J’espère qu’ils ne vont pas nous renvoyer chez nous »

Si certains voient dans ce vote de rejet de l’Union européenne des raisons logiques et plutôt séduisantes, la tristesse et la peur dominent tout de même. « J’ai beaucoup pleuré ce matin, avoue Patrice. Je suis très inquiet. Je vis à Londres depuis vingt ans, mon copain est anglais, mes amis sont là-bas. J’espère qu’ils ne vont pas nous renvoyer chez nous. Même si je comprends leur vote, ça me fait bizarre de me dire qu’ils ne veulent plus de nous. »

Sacha et Julien, 16 ans, lycéens à Londres, se demandent également ce que leur prépare l’avenir. « Je suis triste de ce vote, je pense que ça va être très difficile pour nous maintenant », s’inquiète la jeune Anglaise, quand son copain français lui, s’interroge sur ses futures conditions d’études. « Je ne sais pas si ça va avoir des conséquences pour moi, si je vais avoir besoin d’un visa. Je ne pensais pas que cela arriverait. »

L’angoisse des matins qui déchantent

Les Britanniques et les Français ne sont pas les seuls à s’inquiéter. Pour Ugo, journaliste italien d’une cinquantaine d’années en vacances à Paris, tout cela n’annonce rien de bon. « Pour la première fois de ma vie, j’ai peur du futur. Nous les Européens, nous refusons d’étudier notre histoire. La Normandie, c’était il y a seulement soixante-douze ans. Et pourtant, aujourd’hui nous avons tous ces populistes anti-immigration partout, en Angleterre, en France, en Italie… C’est une sorte de nouveau fascisme du 21e siècle. J’espère que la comparaison s’arrêtera là. »

Pour tous, il est l’heure d’embarquer à bord de l’Eurostar qui doit les emmener au coeur de la cité londonienne. « J’espère qu’ils ne vont pas m’empêcher d’entrer », sourit Patrice, à moitié sérieux.