REPORTAGECologne: Six mois après les agressions, les femmes refusent d'avoir peur

Cologne: Six mois après les agressions du réveillon, les femmes refusent d’avoir peur

REPORTAGEPlus vigilantes mais déterminées à ne pas se laisser impressionner, les femmes de Cologne n’ont pas changé leurs habitudes…
Audrey Chauvet

Audrey Chauvet

Le 31 décembre 2015, le soir de la Saint-Sylvestre, Cologne était le théâtre d’une vague de violences, notamment sexuelles, contre des femmes, attribuées à des migrants. Point sur l’enquête, reportages, témoignages… Six mois après, 20 Minutes revient sur ces événements qui ont scandalisé l’Allemagne, alors aux prises avec un afflux sans précédent de demandeurs d’asile.

De notre envoyée spéciale à Cologne (Allemagne)

C’est jour de foot ce dimanche à Cologne. A Mülheim, quartier populaire de la ville, les drapeaux turcs côtoient les maillots de la Mannschaft, comme les mini-shorts en jean côtoient les voiles islamiques. Ce soir, avec le Ramadan et le premier match de l’équipe d’Allemagne à l’Euro, c’est sûr que ce sera la fête : « Dans ce quartier, il y a parfois des problèmes, mais qui ne sont pas liés à l’origine des gens, ce sont de simples conflits de voisinage comme il y en a partout », explique Jessica, 27 ans.

Elle vit dans ce quartier du « mauvais côté » du Rhin, là où les loyers sont deux fois moins chers que dans le centre et où les populations les moins favorisées parviennent à se loger. Depuis les agressions du 31 décembre, « rien n’a changé ici », assure-t-elle. « Je ne fais pas plus attention, je n’ai pas changé ma manière de m’habiller quand je sors. Nous n’avons pas oublié ce qui s’est passé, mais les femmes se sont battues pendant des années pour être libres alors ça ne va pas changer maintenant ! ».

« Le pire, c’est qu’il y ait de la haine entre les gens »

Les habitants de Cologne ont été marqués par les événements du 31 décembre. Les médias en ont parlé pendant des mois et l’enquête toujours en cours remet régulièrement le sujet en première page des journaux. Lorsqu’elles passent à la gare, où ont eu lieu la majorité des agressions, les femmes y pensent, forcément. « Un jour, à la gare, un homme qui avait l’air étranger est venu vers moi et je me suis vite écartée de son chemin. Il n’a rien fait du tout mais c’était dans ma tête », admet Sandra, 25 ans. « Je n’ai pas vraiment peur mais quand je sors avec des amies la nuit, je ne suis pas complètement détendue », ajoute Laura, 20 ans. Sanja arrive de Berlin. Elle a vu les événements de Cologne de loin mais en retire un sentiment de malaise : « Le pire depuis cette histoire, c’est qu’il y ait de la haine entre les gens ».

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« Monter les gens contre les réfugiés »

A Cologne, ville connue pour son multiculturalisme, les bénévoles qui aident les réfugiés à apprendre l’allemand ou à trouver des abris sont nombreux. Layla est l’une d’eux : dans les rues de Mülheim, elle distribue des prospectus pour une réunion publique sur l’accueil des réfugiés. Lorsqu’on aborde avec elle le sujet de la Saint-Sylvestre, Layla s’échauffe. « Je suis très énervée par cette discussion car je suis aussi militante féministe et il y a des choses dont on ne parle pas : quand une femme allemande se fait assassiner par son mari allemand quelques jours après le 31 décembre, personne n’en parle. La prostitution, personne n’en parle. Le gouvernement a utilisé les événements de la Saint Sylvestre pour monter les gens contre les réfugiés. » Comme de nombreux Allemands, Layla déplore les « réglements de compte » qui ont eu lieu en janvier : des bandes d’extrême-droite ont fait des descentes dans les quartiers populaires de la ville. « Certains hommes se sont baptisés "protecteurs des femmes allemandes" et sont allés tabasser des gens qui avaient l’air d’être des immigrés. Mais moi, en tant que femme, je ne veux pas qu’on me défende, je sais le faire toute seule », s’indigne-t-elle.

Pas prêtes à renoncer à leur liberté, les femmes de Cologne ne veulent pas non plus tomber dans la facilité d’accuser les immigrés de tous les maux. « Ça arrive partout, soupire Mirka, étudiante en maths et chimie à Cologne. Pendant un concert, je me suis fait toucher les fesses et le mec était bien Allemand… Dès que les hommes boivent et sont en groupe, ça peut arriver. Il faut juste réagir vite et ne pas hésiter à crier pour attirer l’attention des autres personnes. A Cologne, les gens s’entraident, ils ne vous laisseraient pas vous faire agresser sans intervenir. » Pour Mirka, la réaction de la maire de Cologne, Henriette Reker, qui a conseillé aux femmes quelques jours après les agressions de toujours rester à « un bras de distance » des autres personnes était une « blague ».

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Un numéro d’appel pour les femmes

Devant la gare de Cologne, des policiers sont désormais présents en permanence et des patrouilles de sécurité arpentent le parvis et les alentours du Dom, la célèbre cathédrale qui jouxte la gare. Pour certaines femmes, cela ne suffira pas à éviter les agressions. A Brême, au nord de l’Allemagne, une association féministe milite pour la création d’un numéro d’appel pour les femmes, baptisé « 11X nummer » [numéro 11X : les numéros d’urgence en Allemagne commencent tous par 11]. « L’idée est venue en réaction aux événements de Cologne parce qu’on a en beaucoup parlé mais on n’a pas entendu beaucoup de propositions pour répondre à ce problème, explique Lisa, membre de l’association. Nous voulons créer un numéro d’urgence que toutes les femmes peuvent appeler quand elles se sentent en danger, à tout moment et partout. Par exemple, si une femme rentre chez elle seule la nuit, elle peut rester au téléphone avec un opérateur qui sait où elle est et qui sera à même d’appeler immédiatement la police s’il se passe quelque chose. »

Les ventes de bombes lacrymogènes ont bondi après les agressions du 31 décembre en Allemagne, d'après le journal Die Welt.
Les ventes de bombes lacrymogènes ont bondi après les agressions du 31 décembre en Allemagne, d'après le journal Die Welt. - Die Welt

Déterminée à « ne pas avoir peur d’être dans la rue, à aucun endroit et à aucun moment », Lisa reconnaît néanmoins être plus prudente depuis les événements du 31 décembre : « Je pense à garder mes clés dans la main pour les utiliser comme une arme, je regarde autour de moi quand je rentre seule le soir », confie-t-elle. Si les Allemandes refusent d’avoir peur, elles ont néanmoins perdu un peu de leur insouciance depuis ce 31 décembre.