ECONOMIEPourquoi le géant saoudien Binladen doit se séparer de 90.000 employés

Pourquoi le géant saoudien du BTP Binladen doit se séparer de presque la moitié de ses employés

ECONOMIEFondé dans les années 30 par le père d’Oussama ben Laden, le groupe pâtit notamment des difficultés de l'économie saoudienne...
Olivier Philippe-Viela (avec AFP)

Olivier Philippe-Viela (avec AFP)

Fin de règne pour le géant saoudien du BTP ? L’entreprise de construction Binladen Group, confrontée à de multiples difficultés, a licencié 77.000 salariés étrangers, selon un média saoudien. La société emploie au total quelque 200.000 travailleurs étrangers dans le royaume, notamment des Egyptiens. Cette vague de licenciements pourrait toucher aussi quelque « 12.000 des 17.000 Saoudiens employés comme responsables, ingénieurs, agents administratifs ou contrôleurs » par le groupe, a précisé un responsable cité par le journal local Al-Watan.

Un porte-parole du groupe, Yaseen Alattas, a confirmé des suppressions d’emplois, sans avancer de chiffres. « La taille de notre force de travail est toujours proportionnelle à la nature, au volume et au calendrier des projets à mettre en œuvre », a-t-il dit, ajoutant que les salariés remerciés avaient reçu « tous leurs émoluments », conformément à la loi.

Plombé par l’accident de La Mecque

Le Saudi Binladen Group est une entreprise familiale fondée en 1931 par Mohammed ben Awad ben Laden, décédé en 1967 et père de l’ancien chef d’Al-Qaida, Oussama ben Laden, tué il y a cinq ans par un commando américain au Pakistan.

Le géant saoudien de la construction, chargé notamment de travaux d’agrandissement des lieux saints, s’est retrouvé dans la ligne de mire des autorités après l’effondrement d’une grue en septembre 2015 sur l’enceinte de la Grande Mosquée de la Mecque qui avait coûté la vie à 109 morts personnes. Le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud avait alors décidé d’écarter l’entreprise de nouveaux appels d’offres pour les marchés publics, ouvrant pour elle une période d’incertitudes et de difficultés.

Depuis plusieurs jours, des informations circulaient autour du Binladen Group concernant des licenciements massifs, des salaires impayés et des actions de protestation d’employés de l’entreprise. Les 77.000 ouvriers étrangers licenciés ont reçu « leurs visas de sortie » d’Arabie saoudite, a indiqué un responsable. Vendredi, Al-Watan écrivait que 50.000 travailleurs refusaient de quitter le pays car leurs salaires n’étaient pas payés depuis plus de quatre mois. Lundi, le quotidien Arab News accusait « des travailleurs n’ayant pas été payés » d’avoir incendié sept autocars de la compagnie à La Mecque au cours du week-end.

L’économie saoudienne en crise

Après des décennies de croissance nourrie par de prestigieux contrats publics (l’extension de la mosquée de la Kaaba à La Mecque, premier lieu saint de l’Islam, et la plupart des autoroutes du pays notamment), le Binladen Group est confronté, comme de nombreuses entreprises du pays, aux difficultés de l’économie saoudienne, alors que l’Etat se serre la ceinture en raison de l’effondrement des prix du pétrole depuis deux ans. Le chômage touche officiellement 11,5 % de la population active dans le royaume, mais des experts estiment que ce taux est plus élevé.

« L’Arabie Saoudite a une image en Occident de pays riche, mais c’est une fiction, qu’elle nourrit aussi. Ce n’est pas le Qatar ou les Emirats arabes unis », explique Béligh Nabli, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), qui ajoute que le pays affiche « sa volonté de prendre acte d’une nouvelle donne post-pétrolière, dans une optique qui consisterait à s’appuyer sur l’éducation et à diversifier ses revenus », pour une économie, la première du monde arabe, dépendante à 70 % du pétrole.