La Cour suprême américaine très divisée sur la question brûlante de l'avortement
•La Cour suprême est apparue profondément divisée mercredi ...© 2016 AFP
La Cour suprême est apparue profondément divisée mercredi sur la question passionnelle de l'avortement, qui déchire l'Amérique plus que tout autre sujet de société et revient dans un contexte électoral explosif marqué par un bras de fer entre le Sénat à majorité républicaine et la Maison Blanche.
Les juges de la Haute cour ont avancé des arguments frontalement opposés quand ils ont examiné pendant 90 minutes la légalité des restrictions posées par un nombre croissant d'Etats américains au droit à l'IVG, notamment au Texas.
La Cour suprême ne prendra pas de décision avant juin.
Mais étant donné que la Haute cour fonctionne exceptionnellement à huit juges (quatre conservateurs et quatre progressistes) au lieu de neuf depuis la mort du juge conservateur Antonin Scalia, tous les regards se portent sur Anthony Kennedy, juge conservateur modéré, devenu l'arbitre dans cette affaire.
La division était aussi palpable au pied de l'imposant bâtiment de la Haute cour à Washington, où des centaines de manifestants pro ou anti IVG ont clamé leurs arguments.
«Pro-vie, pro-femmes», ont scandé des étudiants opposés à l'avortement en tenant des ballons bleus. «Droits à la reproduction», leur ont répondu des partisans de l'IVG coiffés de bonnets violets en leur tournant ostensiblement le dos.
Concrètement, les sages, qui comptent trois femmes dans leurs rangs, examinent une loi de 2013 qui impose aux cliniques texanes pratiquant des avortements de posséder un plateau chirurgical digne d'un milieu hospitalier, et qui oblige les médecins à disposer d'un droit d'admission de leurs patientes dans un hôpital local.
Les rédacteurs du texte le justifient au nom de la santé des femmes, affirmant minimiser pour elles les risques sanitaires. Mais pour les défenseurs de l'IVG, il s'agit d'un faux prétexte, le véritable objectif poursuivi par les législateurs républicains locaux s'inscrivant dans quatre décennies d'assauts répétés contre «Roe v. Wade», décision historique qui a légalisé l'avortement en 1973 aux Etats-Unis.
- Nouveau Mexique contre Texas -
De fait, ces règles draconiennes ont forcé la fermeture de 75% de ces cliniques au Texas depuis deux ans, selon l'organisation Whole Woman's Health.
Lors de l'audience, les trois juges femmes ont assailli de questions l'avocat général Scott Keller.
Ruth Ginsburg a demandé combien de femmes au Texas vivaient à 150 kilomètres de la première clinique. Keller lui a répondu environ 25% et ajouté que leur nombre était élevé parce que beaucoup d'entre elles vivaient près du Nouveau Mexique.
Alors «pourquoi ce serait bon pour les femmes au Nouveau Mexique (d'avoir accès à des cliniques sans plateau chirurgical adapté, ndlr) et pas bon pour les femmes au Texas?», a demandé Mme Ginsburg.
Sa collègue Elena Kagan a noté que le nombre de femmes qui vivraient loin de ces cliniques allait beaucoup augmenter, de 10.000 à 250.000, si ces restrictions étaient validées.
L'avocat Keller a soutenu que les plateaux chirurgicaux étaient nécessaires pour protéger les femmes de complications. Mais Mme Ginsburg a affirmé que ces complications survenaient souvent longtemps après le retour des femmes chez elles.
Venue du Texas, Farah Diaz-Tello, 34 ans, est arrivée à 1 heure du matin dans l'espoir d'assister aux débats, défendant «le droit des femmes à disposer de leur corps».
Katie, 21 ans, du Maryland, qui attend depuis 4 heures du matin, soutient que «la vie commence à la conception» et qu'il s'agit «d'une décision médicale pour protéger les femmes». Mais Julia Haag, qui porte une pancarte où elle cite la Bible, ne cache pas son opposition à ces cliniques qui, selon elle, «commettent un génocide»
Dans une étude récente, l'institut de recherche Texas Policy Evaluation Project dévoile que la loi du Texas a entraîné l'allongement des délais d'attente, des surcoûts, voire l'impossibilité pour certaines femmes de trouver une clinique.
La semaine dernière, un tribunal a donné raison à une loi identique adoptée en Louisiane, qui menace de fermeture trois des quatre centres d'IVG de cet Etat.
La question déclenche d'autant plus les passions que l'Amérique est en campagne présidentielle.
Des partisans de l'avortement mercredi arboraient des tee-shirts en faveur de la démocrate Hillary Clinton. Son rival Bernie Sanders a demandé sur Twitter à la Cour de «réaffirmer que l'accès des femmes à l'avortement est un droit constitutionnel».
L'audience intervient aussi dans un contexte de crise entre le Sénat et la Maison Blanche pour remplacer le juge Antonin Scalia, décédé le mois dernier.
Les républicains ont promis de torpiller toute nomination que ferait Barack Obama, en affirmant que cette désignation ultra-sensible doit revenir à son successeur, qui sera investi le 20 janvier 2017.
En cas d'égalité à quatre sages contre quatre, le jugement de la juridiction inférieure reste inchangé, et donc les lois adoptées en Louisiane ou au Texas seraient de facto validées.