Attaque à Ouagadougou: Comment les forces djihadistes se recomposent dans le Sahel
TERRORISME•Après des années de divergence, le groupe de Mokhtar Belmokhtar rallie l'organisation Al-Qaida au Maghreb islamique…Laure Cometti
L’attaque terroriste qui a fait au moins 29 morts, selon un bilan encore provisoire, vendredi soir à Ouagadougou, au Burkina Faso, a été revendiquée par Al-Mourabitoune et Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Ces deux organisations, qui ont été un temps rivales, ont annoncé leur rapprochement en décembre 2015, après l’attaque de l’hôtel Radisson Blu à Bamako, au Mali. Une union qui redessine la carte des forces djihadistes en présence au Sahel.
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Le deuxième attentat revendiqués par Aqmi et Al-Mourabitoune
Le 20 novembre 2015, à Bamako, une poignée d’hommes s’introduisent dans l’hôtel Radisson Blu, où ils tuent 20 personnes, dont 14 étrangers. Cette tuerie est revendiquée par Al-Mourabitoune, groupe dirigé par l’insaisissable Mokhtar Belmokhtar, vétéran du djihad donné pour mort à de nombreuses reprises. Quelques jours après l’attaque, le chef d’Aqmi, Abdelmalek Droukdel, annonce qu’Al-Mourabitoune rallie son groupe, et que les deux organisations, ennemies depuis trois ans, « signent cette unité par le sang de l’hôtel Radisson ».
L’attaque de Ouagadougou serait donc la deuxième co-organisée par les deux groupes. Dans un communiqué de la branche médiatique d’Aqmi, traduite par le chercheur Romain Caillet sur Twitter, l’organisation affirme que les commandos terroristes de l’hôtel Splendid et du café Cappuccino à Ouagadougou étaient composés de combattants d’Al-Mourabitoune.
« Nouveau communiqué de la branche média d'#AQMI confirmant que le commando est constitué de membres d’Al-Mourabitoune pic.twitter.com/LLRrq431x9 — Romain Caillet (@RomainCaillet) January 16, 2016 »
Concurrence accrue entre Al-Qaida et Daesh au Sahel
Ancien chef d’une katiba d’Aqmi, Mokhtar Belmokhtar avait fait sécession en décembre 2012 pour fonder son propre mouvement, Les Signataires par le sang, qui avait fini par fusionner avec le Mujao, donnant naissance à Al-Mourabitoune. Son départ d’Aqmi était motivé par « des divergences stratégiques et idéologiques », explique Mathieu Guidère, professeur des universités et spécialiste du monde arabe. Sa décision de revenir dans le giron d’Aqmi intervient alors que l’organisation Etat islamique (EI) perce au Nord du Sahel, particulièrement en Libye, et qu’au Nigeria le groupe Boko Haram a fait allégeance au calife de l’EI, Abu Bakr Al-Baghdadi.
« Al-Qaida et Daesh sont en concurrence dans plusieurs régions du monde : en Libye, en Egypte, dans le Sahel, dans péninsule arabique, mais aussi en Asie du Sud-Est, comme la récente attaque à Djakarta l’a rappelé », énumère Alain Rodier, directeur de recherche chargé du terrorisme et de la criminalité organisée au Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R).
L'union d'Aqmi et d'Al-Mourabitoune, confirmée par la revendication commune de l'attaque de Ouagadougou, redessine la carte du djihadisme en Afrique de l'Ouest, qui reflète selon Mathieu Guidère la compétition accrue entre Al-Qaida et l'EI. Le groupe Aqmi, coutumier des enlèvements ou des attaques ciblant des forces sécuritaires, «s'est aligné sur le mode opératoire de l'Etat islamique». Cette surenchère d'attentats vise à conserver son influence en Afrique de l'Ouest.
Frontières poreuses
Les opérations Serval puis Barkhane de l'armée française ont réduit les capacités d'Aqmi et forcé les djihadistes à se replier en Libye ou dans le Sud du Mali, observe le chercheur. Mais cela n'a pas empêché les terroristes de contourner les forces françaises pour perpétrer les attentats de Bamako et de Ouagadougou. Selon le ministre de la Sécurité intérieure burkinabé, les assaillants du 15 janvier seraient arrivés à bord de véhicules immatriculés au Niger.