Au Népal, des minorités historiquement défavorisées en colère contre la Constitution

Au Népal, des minorités historiquement défavorisées en colère contre la Constitution

La nouvelle Constitution népalaise devait mettre fin aux inégalités mais elle a déclenché une violente contestation de minorités ethniques historiquement défavorisées, déçues du texte et qui ont décidé de bloquer les échanges avec l'Inde.
© 2015 AFP

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La nouvelle Constitution népalaise devait mettre fin aux inégalités mais elle a déclenché une violente contestation de minorités ethniques historiquement défavorisées, déçues du texte et qui ont décidé de bloquer les échanges avec l'Inde.

Plus de 40 personnes ont été tuées dans des heurts entre police et manifestants issus de ces minorités qui estiment que la nouvelle structure fédérale prévue par la loi fondamentale va les marginaliser au sein du parlement.

Parmi ces manifestants et victimes figurent de nombreux Madhesis, habitants des plaines du sud du Népal frontalières de l'Inde connues sous le nom de Teraï.

Depuis jeudi, ils bloquent un pont sur un axe crucial pour le transport des marchandises entre le Népal et l'Inde, en particulier pour le carburant que ce pays himalayen importe en totalité.

«C'est notre dernière carte. Tant que Katmandou ne ressentira pas notre souffrance, nos demandes ne seront pas entendues», a dit Ram Shahaya Yadav, secrétaire général du parti régional Sangiya Samajwadi Forum.

«Avez-vous vu un seul dirigeant des partis au pouvoir venir nous écouter ?», demande-t-il tandis que des centaines de manifestants bloquent le pont situé à Birgunj, à 90 kilomètres au sud de Katmandou.

Les Madhesis dénoncent depuis longtemps les discriminations dont ils souffrent, nombre d'entre eux étant victimes de préjugés en raison de leur ressemblance physique et de leurs liens culturels, linguistique et familiaux avec les Indiens de l'autre côté de la frontière.

Nombre d'entre eux ont longtemps échoué dans leurs tentatives d'obtenir la nationalité népalaise, ce qui les a rendus apatrides, jusqu'à une loi de 2006 accordant la nationalité aux personnes nées et ayant été élevées au Népal sans en parler la langue.

Ils accusent la police de violences à leur encontre au cours des manifestations contre la Constitution adoptée le 20 septembre, dernière étape d'un processus de paix commencé en 2006 avec la fin de la rébellion maoïste.

Des dizaines d'entre eux ont été tués par les tirs des forces de sécurité, déclenchant des attaques en représailles de manifestants contre des policiers.

«N'avons-nous pas le droit de manifester contre notre gouvernement», lance un étudiant madhesi de 21 ans Nabin Kumar Singh, qui dit avoir été frappé par la police.

«A Katmandou, la police utilise le canon à eau, pourquoi utilise-t-elle des balles ici, pourquoi tue-t-elle des citoyens ?», ajoute-t-il.

«J'aimerais avoir un jour un emploi, que les gens me respectent. Mais j'ai très peu de chances car je suis un Madhesi. Je veux que cela change», dit-il à l'AFP.

- Pas prêts à renoncer -

Le Népal a commencé à rationner les carburants lundi après avoir décidé pendant le week-end de restreindre la circulation automobile.

Ces décisions ont suscité la colère de Népalais, certains voyant l'Inde à la manœuvre, New Delhi n'ayant pas caché sa frustration de voir la Constitution adoptée sans un consensus national. L'Inde a démenti être à l'origine du blocus frontalier et a exhorté au dialogue.

Mais cette crise accroît les divisions entre communautés népalaises, à l'opposé de l'objectif de cette Constitution.

Un mouvement de colère avait déjà embrasé les plaines du Teraï en 2007 et avait abouti à la promesse d'une plus grande autonomie de la région et d'une meilleure représentation des Madhasis au niveau national.

Ces promesses devaient se traduire dans la Constitution mais pour les manifestants actuels, la nouvelle loi fondamentale ne parvient pas à mieux intégrer les groupes historiquement marginalisés, faute de représentation proportionnelle.

«Les gens se sentent trahis. Les dirigeants ont manqué une occasion d'unir le Népal», estime l'analyste politique Chandra Kishor Jha, qui travaille à Birgunj.

Les manifestants réclament une modification des nouvelles frontières des provinces et l'instauration de la proportionnelle dans toutes les assemblées de l'Etat.

Ils demandent aussi la levée de l'interdiction pour des citoyens naturalisés d'accéder à des postes de responsabilité au gouvernement.

A Birgunj, les manifestants se disent prêts à une longue lutte.

«Nous faisons partie du Népal. Où irons-nous si notre pays refuse de nous donner nos droits ?», s'interroge l'un d'eux, Jamila Khatun.

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