Grèce: Tsipras face à une crise politique, malgré son succès au référendum
•Le Premier ministre Alexis Tsipras a rallié l'opposition grecque, qui le soutient dans ses négociations avec les créanciers, mais au prix de dissensions internes à son parti Syriza, ce qui laisse craindre une nouvelle crise politique.© 2015 AFP
Le Premier ministre Alexis Tsipras a rallié l'opposition grecque, qui le soutient dans ses négociations avec les créanciers, mais au prix de dissensions internes à son parti Syriza, ce qui laisse craindre une nouvelle crise politique.
Un total de 251 députés - sur 300 - ont autorisé samedi le gouvernement à conduire des négociations avec les créanciers de la Grèce sur la base de propositions à peine différentes de celles que les électeurs ont rejetées à 61% lors du référendum du 5 juillet.
Ce large mandat, le chef du premier gouvernement de gauche radicale au pouvoir le doit au soutien des deux grands partis qui ont gouverné alternativement le pays depuis 40 ans, la Nouvelle Démocratie (droite) et le Pasok (socialiste), auxquels s'ajoute celui de la formation de gauche modérée Potami et du parti de droite souverainiste ANEL, membre de la coalition gouvernementale.
Pas moins de 17 députés de Syriza, qui en compte 149, ont cependant fait défection, parmi lesquels deux ministres, dont le bouillant ministre de l'Energie Panagiotis Lafazanis, adversaire déclaré de l'euro.
Et 15 autres députés ont affirmé, dans une lettre adressée à M. Tsipras, avoir voté «oui» uniquement pour ne pas gêner le gouvernement. Ils ont prévenu qu'il ne faudrait pas compter sur eux pour entériner les futures réformes exigées par les créanciers.
Autre défection de taille, celle de la présidente du Parlement, Zoé Kostantopoulou, pasionaria de la gauche radicale et désormais «épine» dans le pied du Premier ministre, comme l'a qualifiée dimanche le quotidien libéral Kathimerini.
Cette femme de tempérament, qui n'hésite à sortir du Parlement pour se mêler aux manifestations de la place Syntagma, a cependant démenti dimanche soir des rumeurs faisant état de son projet de démissionner.
- 'Pourquoi négocions-nous avec eux ?' -
Il n'empêche: la pression monte sur Alexis Tsipras alors que le texte énumérant les exigences des créanciers, qui sert de base aux discussions des chefs d'Etat réunis en sommet, a été qualifié de «très mauvais» et même de «monstrueux» par des sources gouvernementales grecques.
Le héros de la Résistance anti-nazie, Manolis Glezos, a déclaré dimanche soir sur la radio Kokkino qu'Alexis Tsipras devait «obéir au mandat que le peuple grec lui avait donné en disant +non+ aux créanciers».
«Pourquoi négocions-nous avec eux ? Voulons-nous nous coucher ? Pour quelle raison ?» s'est interrogé cette figure de la gauche morale en Grèce. Et sur Twitter, le hashtag #TsiprasLeaveEUSummit (Tsipras, quitte le sommet de l'UE) se répandait.
Une semaine après un référendum à valeur de plébiscite pour le jeune Premier ministre, ce dernier se retrouve donc dans une impasse.
Echaudés, les créanciers attendent de M. Tsipras qu'il fasse adopter au plus vite par le Parlement des réformes et mesures de rigueur. Mais de quelle autorité dispose-t-il avec un gouvernement dont certains membres sont ouvertement opposés à toute concession ?
Pour la presse grecque, trois options s'offrent à lui : convoquer de nouvelles élections, former un gouvernement d'union nationale ou se contenter de faire le ménage dans son parti en écartant les récalcitrants.
Le ministre de l'Economie George Stathakis a adressé samedi soir une mise en garde aux frondeurs, en rappelant que «si un député n'est pas d'accord avec la politique du gouvernement, il doit se conformer aux règles et s'il est en désaccord profond, renoncer à son siège».
A son arrivée au pouvoir, Syriza a fait signer à chaque député un «code de bonne conduite» stipulant qu'en cas de désaccord avec la politique du gouvernement, il devrait rendre son siège au parti, qui nommerait à sa place son suppléant.
Mais pour Kathimerini, Alexis Tsipras n'a pas d'autre choix que de remanier en profondeur son gouvernement. Dans un éditorial intitulé «dernière chance», le quotidien estime que le Premier ministre «a fait le bon choix pour le pays, mais il a sacrifié son parti. La seule solution est la formation d'un nouveau gouvernement qui pourra garantir au pays un avenir européen».
«Je n'ai pas confiance dans le gouvernement Tsipras. Il est composé uniquement d'arrivistes. Je crois qu'il ne va pas durer longtemps et que bientôt, il y aura un remaniement», voulait croire Dimitri Charalambidis, 59 ans, un commerçant athénien rencontré place Syntagma, devant le Parlement.