Yanis Varoufakis, «marxiste irrégulier» et trublion permanent
Yanis Varoufakis, qui durant cinq mois a cassé les codes bien ...© 2015 AFP
Yanis Varoufakis, qui durant cinq mois a cassé les codes bien lisses du poste de ministre des Finances, au service d'une vision hétérodoxe de l'économie, s'est offert une ultime pirouette avec une démission surprise annoncée sur Twitter, son style décapant étant devenu inadapté à l'urgence de la situation.
«Minister No More !» (Ministre, c'est fini !), s'est exclamé le ministre grec, sûr de l'effet de son message après la courte nuit qui a suivi la proclamation de la victoire massive du gouvernement de gauche radicale au référendum sur les dernières propositions de réforme faites à la Grèce par les créanciers du pays (UE, FMI).
L'annonce informelle a été accompagnée d'un communiqué plus traditionnel de son ministère selon lequel c'est Alexis Tsipras a demandé le départ de son ministre, après une «préférence» en ce sens qu'auraient exprimée certains membres de l'Eurogroupe, les homologues de M. Varoufakis au sein des pays de la zone euro.
Durant les cinq mois passés au poste très exposé de ministre des Finances grec, à ce titre chef de file des négociations avec les créanciers du pays, l'économiste Varoufakis avait vu monter l'inimitié de ses homologues, qui n'aimaient guère son franc-parler, ses théories économiques «non alignées» et le ton professoral avec lequel il délivrait ses «leçons».
Le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici l'avait diplomatiquement décrit comme «un homme intelligent, pas toujours facile, mais intelligent» et avec qui on «peut trouver un langage commun».
Une communauté de langage qui a souvent fait défaut avec son homologue allemand Wolfgang Schäuble ou avec le patron de la zone euro Jeroen Dijsselbloem, dont l'unique visite à Athènes, après la nomination du nouveau gouvernement de gauche radicale fin janvier, avait donné lieu à un échange public glacial.
La presse avait d'abord fait son chouchou de ce politicien novice, retenant de lui sa carrure de rugbyman, son crâne rasé, ses chemises amples, ses arrivées pétaradantes à moto pour les conseils des ministres, son hyperactivité sur les réseaux sociaux.
Cette omniprésence sur Twitter, où il est coutumier des remontrances aux journalistes qu'il accuse régulièrement de déformer ses propos, ont entamé sa cote de popularité. De même que plusieurs maladresses de communication, dont un reportage dans le magazine français Paris-Match, où il posait avec sa femme dans le cadre privilégié de leur terrasse donnant sur l'Acropole, tout en disant «détester le star-system».
- Dans les coulisses des Eurogroupes -
En Grèce, il est resté assez populaire, voire adulé par une partie des supporters de Syriza adeptes de son langage sans détour et de la résistance opposée à ses homologues européens lors de leurs réunions à Bruxelles.
Ce briseur de conventions a pris un malin plaisir à dévoiler sa vision de ces Eurogroupes opaques, estimant à plusieurs reprises, comme dans une interview à la BBC que ce type de gouvernance «n'est pas une façon de mener une union monétaire. C'est une parodie».
Formé en Grande-Bretagne, où il a enseigné, l'universitaire de 54 ans a vécu longtemps en Australie, recruté par une université «de droite, dans le but d'évincer un autre candidat dont le mentor passait pour un dangereux gauchiste», raconte-t-il sur son blog, pour souligner l'ironie de l'histoire, celui qui se décrit comme «Marxiste irrégulier».
Revenu en Grèce, il est devenu conseiller du socialiste Georges Papandreou (2004-2006), avant que le gouvernement de ce dernier sollicite le plan d'assistance des créanciers internationaux UE, BCE, FMI à la Grèce.
Varoufakis se transforme ensuite en l'un des plus virulents contempteurs de ces «Memoranda» d'austérité, ce qui l'a progressivement rapproché de la gauche radicale Syriza dont il n'est pas membre, mais dont il reste, après sa démission, député. Il fut même le mieux élu des parlementaires Syriza aux élections de janvier 2015.
Dès 2010, il était parmi les premiers à avertir de la possibilité de défaut de son pays, attitude qui lui a valu le surnom de «Dr Doom» athénien (M. Catastrophe). Il aura finalement vécu le défaut de la Grèce vis-à-vis du FMI, effectif depuis le 30 juin.
Un événement qui n'a pas entamé sa conviction qu'un plan d'aide à la Grèce sans restructuration de son abyssale dette publique (plus de 175% du PIB) n'aurait pas de sens, au point d'affirmer vendredi sur Bloomberg TV qu'il se «couperait un bras», plutôt que de signer un tel engagement.