INTERVIEWMigrants en Europe: «On ne peut pas demander à des migrants de s'installer dans des zones désertées»

Migrants en Europe: «On ne peut pas demander à des migrants de s'installer dans des zones désertées»

INTERVIEWLe chercheur Thibaut Jaulin décrypte la proposition du HCR de répartir quelque 200.000 demandeurs d'asile dans l'Union européenne...
Nicolas Beunaiche

Propos recueillis par Nicolas Beunaiche

L’Europe se divise. Alors que des responsables politiques redisent depuis plusieurs jours l’urgence d’une réaction concertée, le Haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés (HCR), Antonio Guterres, a appelé vendredi à la répartition d’au moins 200.000 demandeurs d’asile dans l’Union Européenne. Une proposition choc dont l’application nécessiterait la participation de tous les membres de l’UE, selon lui. Pourquoi et surtout comment ? Thibaut Jaulin, chercheur à Sciences Po et spécialiste des migrations, livre son éclairage.

Pourquoi les regards sont-ils concentrés sur l’Union Européenne ?

L’Europe est l’une des principales puissances économiques dans le monde. Or elle accueille proportionnellement moins de réfugiés que les puissances de même niveau, à l’exception du Japon. Les Etats-Unis accueillent beaucoup plus de réfugiés que l’Europe par exemple. Et puis l’Europe se trouve dans le voisinage du Moyen-Orient et de l’Afrique…

Les pays du Golfe sont particulièrement discrets sur le sujet

C’est un sujet compliqué pour eux. Ils ne sont pas tous signataires de la Convention de 1951 sur les réfugiés. Avant d’accueillir des migrants, il faudrait qu’ils reconnaissent le droit d’asile. La gestion des migrations est problématique pour ces pays parce qu’accueillir des migrants supposerait de leur reconnaître des droits. Or il s’agit de régimes autoritaires où les libertés sont limitées.

Le HCR évoque la répartition de plus de 200.000 réfugiés dans l’Union Européenne. Sur quels critères ?

Au printemps dernier, au moment la Commission a proposé une répartition en fonction du PIB, du nombre d’habitants… Bref, sur des critères macroéconomiques et bureaucratiques. C’est insuffisant. Quelqu’un qui s’installe dans un pays a besoin d’un réseau familial, de contacts pour trouver un travail, un logement, s’insérer et ne pas être isolé. Il faut tenir compte des souhaits. De même, on ne peut pas décréter que les migrants doivent s’installer dans des territoires désertés par les populations locales. S’ils sont désertés, il y a une raison. On ne peut pas demander à des migrants dont les diplômes ne sont pas reconnus en Europe de s’y installer.