Charleston: endeuillée, l'église dénonce la tuerie du «diable»

Charleston: endeuillée, l'église dénonce la tuerie du «diable»

Larmes, chants et dénonciation du "Diable": l'église de Charleston, ...
© 2015 AFP

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Larmes, chants et dénonciation du «Diable»: l'église de Charleston, en Caroline du Sud, a réconforté dimanche ses paroissiens pour un premier service religieux depuis le massacre mercredi dans cette ville des Etats-Unis de neuf Noirs abattus par un jeune suprématiste blanc.



Cette tuerie raciste, l'une des pires de l'histoire récente des Etats-Unis, a choqué une partie de l'Amérique et relancé les controverses tant sur les tensions raciales latentes que sur la législation des armes à feu ou encore sur le drapeau confédéré du Sud historique.

Plusieurs centaines de personnes, blanches et noires, ont occupé pendant deux heures les bancs de l'Emanuel African Methodist Episcopal Church, la plus vieille église de la communauté noire de Charleston, lieu emblématique pour les droits civiques, et théâtre du bain de sang mercredi soir provoqué par le jeune Dylann Roof.

Des centaines d'autres fidèles et badauds, principalement blancs, étaient aussi massés, faute de place, à l'extérieur de l'église, d'où ils pouvaient entendre, grâce à des hauts-parleurs, le long discours du pasteur John Gillison et les chants religieux.

Une chorale de gospel a chanté plusieurs minutes face à une foule calme, parfois émue aux larmes.

La cérémonie, très forte en émotions, a été retransmise pendant près de deux heures par les télévisions américaines.

Le révérend Gillison a maintes fois fait référence, sans le nommer, à Dylann Roof, le tueur présumé de neufs paroissiens noirs, et qui a été inculpé et maintenu en détention.

Mercredi, Dylann Roof, 21 ans, s'était introduit dans une soirée de lecture biblique de l'église avant d'ouvrir le feu.

- Le diable est rentré -

Les paroissiens «étaient dans la maison du seigneur, étudiant ses paroles, priant les uns avec les autres», a clamé le dignitaire religieux. «Mais le Diable est aussi rentré. Et il a sans aucun doute essayé de prendre le contrôle. Mais grâce à Dieu, alléluia (...) il ne pouvait pas contrôler vos fidèles. Et il ne pouvait pas s'emparer de votre église», s'est exclamé M. Gillison.

Dans les églises américaines, la figure du Diable est une référence habituelle pour désigner le mal.

«C'était très intense mais pacifique et joyeux», s'est enthousiasmée à la sortie de l'église Tanosha Bosier, 40 ans. «C'était émouvant et exaltant d'aider notre communauté à revenir à ce qu'elle était avant mercredi».

Le pasteur de la paroisse, Clementa Pinckney a été tué mercredi soir, ainsi que deux hommes et six femmes, âgés de 26 à 87 ans.

En mémoire aux victimes, les cloches d'une vingtaine d'églises à et autour de Charleston ont sonné, tout comme des dizaines d'autres aux Etats-Unis.

Plusieurs milliers de personnes, pour la plupart des blancs habitant dans le secteur de Charleston, se sont ensuite rassemblées sur le pont Arthur Ravenel où elles se sont donné la main, formant un «pont de l'unité» entre Charleston et la banlieue cossue de Mount Pleasant. Les manifestants ont observé neuf minutes de silence - une pour chacune des victimes de la tuerie de mercredi.

Samedi déjà, plusieurs manifestations avaient secoué la Caroline du Sud.

Des milliers de personnes s'étaient regroupées à Columbia, capitale de l'Etat et siège du parlement local, devant lequel flotte toujours le drapeau confédéré, symbole controversé du sud esclavagiste des Etats-Unis, défait lors de la Guerre de sécession (1861-1865).

Les manifestants étaient venus exiger le retrait de ce drapeau, qui n'avait pas été mis en berne en hommage aux victimes après la tuerie, contrairement au drapeau fédéral ou au drapeau de la Caroline du Sud.

Symbole durable de la fierté et de l'héritage du Sud pour ses partisans, le drapeau confédéré représente le racisme et la théorie de la suprématie blanche pour ses détracteurs.

Une autre manifestation s'est tenue samedi soir, à Charleston, à l'appel du mouvement «Black Lives Matter» («La vie des Noirs compte»).

La découverte samedi d'un site internet attribué à M. Roof a également fourni un éclairage sur le massacre.

On y voit le jeune Blanc brûler la bannière étoilée et brandir le drapeau confédéré, mais surtout, dans un manifeste bourré de fautes d'orthographe, justifier a priori son crime par sa haine des Noirs.

Le FBI a assuré qu'il travaillait à l'authentification du site, qui, selon des médias américains, aurait été ouvert en févier au nom de Dylann Roof.

Le texte en dit long sur l'état d'esprit et la motivation du jeune homme, sorti du système scolaire après la 3e et chômeur au moment des faits.

«Je n'ai pas le choix (...) J'ai choisi Charleston parce que c'est la ville historique de mon Etat et qui a eu à un moment le ratio le plus élevé de Noirs par rapport aux Blancs dans le pays», peut-on lire.

«Nous n'avons pas de skinheads, pas de véritable KKK (Ku Klux Klan), personne ne fait rien d'autre que de parler sur l'internet. Quelqu'un doit avoir le courage de le faire dans le monde réel et j'imagine que cela doit être moi», ajoute l'auteur avant de se lancer dans une série de diatribes racistes contre les Noirs «stupides et violents».

Le drame de Charleston a également provoqué la colère du président Barack Obama qui a de nouveau réclamé de légiférer sur les armes.

Cet article est réalisé par Journal du Net et hébergé par 20 Minutes.