Conflit israélo-palestinien: Qui est Meïr Ettinger, chef de file des colons ultranationalistes?
PROCHE-ORIENT•La justice a décidé de prolonger jusqu'à dimanche la garde à vue de ce leader ultranationaliste...Laure Cometti
Sous pression après deux violentes attaques en quelques jours, le gouvernement israélien a promis des mesures fermes contre les extrémistes juifs. Joignant les actes à la parole, les autorités ont arrêté lundi Meïr Ettinger pour « son implication et ses activités au sein d’organisations extrémistes juives ». Un tribunal de Nazareth a décidé ce mardi de le maintenir en détention jusqu'à dimanche. Que sait-on de ce jeune homme lié à la mouvance des colons ultranationalistes ?
Proche des « jeunes des collines »
Âgé d’environ 23 ans, Meïr Ettinger est l’une des figures de proue du mouvement des colons ultranationalistes et plus particulièrement des « jeunes des collines » («Noar Ha Gvaot» en hébreu). Un courant « raciste, antidémocratique et religieux, prônant un Grand Israël fondé sur la suprématie raciale », décrypte l’historienne Diana Pinto*. Ces Juifs âgés de 15 ans à 30 ans étudient dans les écoles talmudiques les plus radicales du mouvement de colonisation et résident dans des avant-postes, des colonies bâties en Cisjordanie sans autorisation gouvernementale. « Ils ont une mentalité d’assiégés et de conquérants et prônent l’expulsion des Palestiniens de la Cisjordanie », poursuit l’historienne.
Ce fondamentalisme est distinct du courant des ultra-orthodoxes, souligne Frédéric Encel**, maître de conférences à Sciences-Po. Les colons ultranationalistes veulent nuire à la fois aux non-Juifs et au gouvernement israélien, afin d’entraver tout processus de paix. « C'est la politique du pire », résume le chercheur.
Lire l'interview de Diana Pinto: «Les deux crimes sont de nature très différente»
Des antécédents judiciaires
Selon des médias israéliens, Meïr Ettinger figure sur la liste des extrémistes les plus recherchés par le Shin Bet, le service de sécurité intérieure. La police n’a pas précisé s’il est soupçonné d’avoir un lien avec l’incendie criminel qui a coûté la vie à un bébé palestinien en Cisjordanie occupée vendredi.
Soupçonné d’être le cerveau d’un groupuscule responsable de l’incendie de l’église de la Multiplication de pains, le 18 juin dernier sur les bords du lac de Tibériade, il a nié l’existence d’une cellule terroriste sur son blog, tout en justifiant des attaques contre des églises chrétiennes et des mosquées qu’il qualifie de « lieux de cultes païens » et de représentations du « péché ».
Bien connu des services de sécurité israéliens, Meïr Ettinger a notamment été arrêté à 19 ans pour avoir mené avec une vingtaine de jeunes nationalistes un projet visant à répertorier et boycotter les commerces employant des Arabes à Jérusalem, rapporte Hareetz, journal israélien classé à gauche.
Selon la chaîne i24news, Meïr Ettinger a également fait six mois de prison pour avoir collecté des informations sur les soldats israéliens chargés d’expulser les résidents des colonies illégales.
Plus récemment, il a fait l’objet d’une interdiction judiciaire d’entrer en Cisjordanie et à Jérusalem « en raison de ses activités », pour une durée d’un an, en janvier dernier. Il a quitté une implantation cisjordanienne pour s’installer à Safed dans le nord du pays. C’est là qu’il a été arrêté lundi par les services de sécurité israéliens.
Un héritage familial
L’arbre généalogique de Meïr Ettinger permet de mieux cerner son profil. Son grand-père maternel n’est autre que le rabbin Meïr Kahane. Né en 1932 aux Etats-Unis, il s’est installé en Israël où il a fondé le Kach, un parti nationaliste anti-arabe, en 1973. Elu à la Knesset, le parlement israélien, en 1984, il sera peu à peu évincé de la vie politique, avant d'être assassiné à New York en 1990. Cette figure de « héros familial » confère vraisemblablement à Meïr Ettinger un « pedigree de sang et un ascendant sur d’autres ultranationalistes », estime Diana Pinto.
En outre, cet héritage perdure encore aujourd’hui. Si le Kach a été interdit par le gouvernement israélien en 1994, le parti « existe encore dans quelques esprits », et son nom est tagué sur certains murs des implantations de Cisjordanie, note Frédéric Encel.
* auteure d’Israël a déménagé (Stock, 2012)
** auteur de Géopolitique du sionisme (Armand Colin, 3è éd., 2015)