Le Royaume-Uni peut-il sortir de l’Union Européenne?
POLITIQUE•Les cartes sont redistribuées après la large victoire des conservateurs....C.C.M
Le sujet du «British exit» (ou Brexit) n’est plus tabou: depuis les résultats des élections législatives au Royaume-Uni et la nette victoire des conservateurs de David Cameron, une sortie de l’Union européenne pourrait se décider d’ici à 2017 lors d'un référendum. Un sujet qui masque en réalité d’autres enjeux selon Olivier de France, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de la Grande-Bretagne: «Lors de cette campagne, des thèmes qui préoccupaient l’opinion publique, comme l’immigration ou l’économie, se sont cristallisés autour de la question européenne. Ajoutez à cela le fait que David Cameron a subi la pression des eurosceptiques dans son propre camp, mais aussi la montée en puissance du parti europhobe Ukip, il a dû faire du Brexit un sujet majeur des législatives.»
Maintenant que la campagne est terminée et au vu des résultats aussi bons qu'inattendus des conservateurs, le Premier ministre a aujourd’hui les coudées plus franches pour négocier avec l’Europe selon ses termes propres. Pour autant, parviendra-t-il à obtenir plus de flexibilité de la part de Bruxelles, comme il l’a demandé lors de son discours de janvier 2015? Pas sûr, selon Fabien Cazenave, porte-parole de l'Union des fédéralistes européens: «Le Royaume-Uni a déjà un pied dedans, un pied dehors, estime-t-il. Il n’est pas dans la zone euro, ni dans l’espace Schengen, mais pèse pourtant dans toutes les prises de décisions. On ne voit pas bien ce qu’il pourrait obtenir de la part des autres états de l’UE.»
Selon Olivier de France, «si Cameron s’attend à des modifications sur des traités ou des budgets, il sera déçu», ces derniers étant par exemple approuvés jusqu’en 2019. Mais des décisions concernant le poids bureaucratique de l’UE ou la question des aides sociales aux nouveaux arrivants seraient envisageables, Juncker ayant déjà tendu une main sur ces sujets.
Quels que soient les résultats de la négociation entre l'UE et le nouveau gouvernement Cameron, un référendum semble inévitable et seule changera la ligne de son chef. «En fonction des compromis que consentira l’Europe, il décidera quelle sera sa ligne: le oui ou le non à la sortie», explique Olivier de France. Une sortie qui n’est pas sans affoler la City (la Bourse de Londres), des banques comme HSBC ayant déjà menacé de déménager leurs sièges sociaux en cas de Brexit…Les analystes s'accordent sur ce point: les conséquences économiques d'une telle rupture seraient énormes, notamment car l’Europe reste le partenaire numéro 1 du Royaume-Uni.
Le parti Ukip et son leader d'alors Nigel Farage ont mis la question européenne au cœur des débats. - BEN STANSALL / AFP
Autre problème: l’Ecosse qui, lors des législatives, a voté majoritairement pour le SNP, un parti indépendantiste, de gauche et proeuropéen. Le oui au référendum conduirait à une véritable scission du pays, avec un Royaume-Uni demandant la séparation d’avec l’UE et dans son sein, une Ecosse qui souhaite sa sortie du Royaume-Uni et son maintien dans l’Europe. Au-delà de l’instabilité politique que créerait une telle situation, «il ne faut pas non plus oublier le poids économique de l’Ecosse et de ses ressources, notamment en pétrole,» souligne Olivier de France.
Et que disent aujourd'hui les Britanniques? Pour l’instant, une majorité d’entre eux reste en faveur d’un rattachement à l’Europe, mais l’opinion est extrêmement volatile -les sondages n’avaient d'ailleurs pas du tout anticipé les résultats des législatives.
Un autre choix pèsera dans la balance: celui des médias britanniques. Selon Fabien Cazenave, «la grande majorité des titres de presse britanniques sont clairement europhobes». Déjà très partisans lors de la campagne législative, se positionneront-ils pour le oui? Dans ce contexte d'indécision, leur voix pourrait porter encore davantage...