Royaume-Uni: un pays plus désuni que jamais à l'avenir européen très incertain

Royaume-Uni: un pays plus désuni que jamais à l'avenir européen très incertain

Les législatives britanniques promettent d'avoir de lourdes ...
© 2015 AFP

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Les législatives britanniques promettent d'avoir de lourdes conséquences sur un Royaume plus désuni que jamais, menacé d'éclatement du fait de la spectaculaire percée des indépendantistes écossais, et taraudé par les incertitudes sur son maintien dans l'Union européenne.



Le parti nationaliste écossais (SNP), paradoxalement revigoré par sa courte défaite au référendum d'indépendance il y a huit mois, a raflé 56 des 59 sièges en Écosse, opérant une véritable razzia dans une contrée considérée voici peu comme un fief travailliste inexpugnable.

Devant ce tsunami, David Cameron, le Premier ministre réélu avec une majorité absolue, a aussitôt réaffirmé sa volonté d'accorder plus de responsabilités aux gouvernements régionaux du Royaume-Uni.

«En Écosse, notre plan est de créer le gouvernement décentralisé le plus fort du monde avec d'importants pouvoirs en matière d'imposition», a-t-il déclaré lors d'un discours devant le 10, Downing Street juste après avoir été reconduit dans ses fonctions par la reine Elizabeth II.

Nicola Sturgeon, le Premier ministre de la région autonome septentrionale, a maintes fois assuré que ses demandes prioritaires portaient sur des pouvoirs accrus en matière de maîtrise des finances, soulignant que la question de l'indépendance n'était pas à l'ordre du jour.

Mais après leur triomphe, l'appétit des indépendantistes risque d'être aiguisé. Tony Travers, expert de la LSE, n'a pas l'ombre d'un doute: «l'indépendance reste l'objectif ultime des nationalistes».

«Les nationalistes du SNP ont perdu une bataille mais ils ont gagné la guerre», a abondé Kate Jenckins, experte à la London School of Economics (LSE).

Inspirés par le SNP, les nationalistes gallois du Plaid Cymru se sentent des ailes. Ils ont amélioré leur score à 12% dans la plus déshéritée des quatre nations constitutives du Royaume-Uni qui, outre l'Écosse, comprend aussi l'Angleterre et l'Irlande du nord.

Leanne Wood, 43 ans, leur dirigeante républicaine qui s'entête à appeler «Mme Windsor» la reine Elizabeth II, a brisé un tabou l'an dernier en signifiant qu'elle trouverait «normal» que le Pays de Galles accède à l'indépendance, alors que l'idée est encore embryonnaire.

Les aspirations à Edimbourg et Cardiff s'accompagnent d'une envolée des revendications en faveur d'une dévolution accrue en Irlande du nord et dans les grandes métropoles, à commencer par Manchester et Liverpool.

-Brexit et Scotxit-

Vendredi, David Cameron a également rappelé sa principale promesse de campagne: «nous organiserons ce référendum sur notre futur en Europe».

Il a promis sous la pression des eurosceptiques de son camp de tenir une telle consultation sur le maintien ou pas du pays dans le club des 28 avant la fin 2017.

Le calendrier pourrait toutefois s'accélérer. Cameron lui même avait indiqué au début de l'année qu'il serait «ravi» si le référendum pouvait se tenir «plus tôt».

Patrick Dunleavy, politologue à la LSE, l'appelle «le référendum Brexit», en référence au risque d'une sortie britannique du groupe des 28.

Selon lui, David Cameron qui plaide en faveur d'une renégociation des liens de son pays avec l'ensemble qu'il a rejoint en 1973 -au moment où l'Europe était un marché commun et non un projet politique- sera tenté «d'avancer le scrutin à l'an prochain». Afin de crever l'abcès. C'est que son parti a une fâcheuse tendance à se déchirer sur l'UE ces dernières décennies.

Sara Binzert Holbot, spécialiste des questions européennes à la LSE est convaincue que David Cameron «prendra très rapidement le chemin de Bruxelles en vue de négocier un accord».

«Dans le passé il a eu tendance à ostraciser certains de ses collègues européens, et a fait se lever bien des sourcils» avec son approche à l'opposé des usages communautaires «qui consistent à construire des ponts et des alliances».

Il s'est de fait isolé et d'aucuns «ont peine à croire son credo pro-européen».

Les autres dirigeants européens ont en conséquence tracé des lignes rouges, notamment en matière de libre circulation des ressortissants européens.

Reste à Cameron à préciser ses demandes d'aménagements et à démontrer sa volonté de «reconstruire la relation», avance Mme Holbot qui n'exclut pas un accord.

En fin de compte, un Brexit pourrait entraîner un «Scotxit»: Nicola Sturgeon, europhile convaincue, a prévenu qu'une sortie britannique de l'UE serait une condition suffisante pour reposer la question de l'indépendance.

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