Désabusés ou désengagés, des millions de Britanniques ne voteront pas le 7 mai
Dans une petite supérette de Moss Side, à Manchester, Badar Waberi, 23 ans, se fait sermonner parce qu'il a décidé de ne pas voter le 7 mai, à l'image de nombreux jeunes Britanniques.© 2015 AFP
Dans une petite supérette de Moss Side, à Manchester, Badar Waberi, 23 ans, se fait sermonner parce qu'il a décidé de ne pas voter le 7 mai, à l'image de nombreux jeunes Britanniques.
«Nous pouvons changer les choses si nous ne votons pas», soutient le jeune homme, en sirotant une boisson.
«Si nous ne votons pas, nous aurons encore les Conservateurs», lui réplique vertement Clive Sobers, un peintre de 52 ans entré dans la petite boutique pour recharger son téléphone portable.
Comme la grande majorité des habitants de Moss Side, M. Sobers soutient le principal parti d'opposition, le Labour, bien qu'il ne se fasse aucune illusion.
«Dès qu'ils sont élus, ils nous oublient», soupire-t-il, précisant qu'il vote surtout contre le parti de l'actuel Premier ministre David Cameron.
Autrefois réputé pour sa criminalité élevée, Moss Side a fait les grands titres de la presse pour une toute autre raison lors des dernières élections législatives en 2010: sa circonscription, Manchester Central, a affiché le niveau d'abstention le plus élevé du pays (55,7%).
Au niveau national, 34,9% des gens en âge de voter se sont abstenus, soit 15,9 millions de personnes.
- 16% des jeunes comptent voter -
Cette fois-ci, de multiples campagnes ont été menées pour encourager les gens à s'inscrire sur les listes électorales tandis que des applications mobiles offrent même d'aider les indécis à déterminer quel bulletin mettre dans l'urne.
Mais rien n'y fait, l'apathie persiste.
«Tout le monde baisse les bras», s'inquiète Emma Rippingham, 35 ans, assistante sociale dans le quartier.
«Ils n'ont plus confiance en eux, ni en personne», se désole-t-elle. Comme M. Sobers, elle compte voter dans le seul but d'empêcher les Tories de rempiler pour cinq ans au 10, Downing Street.
Plus optimiste, le patron de la supérette, Noor Bashir, a fièrement accroché une affiche du Labour sur la devanture de son magasin et encourage activement ses clients à voter travailliste.
«Il y a un gros gâteau et si le Labour arrive au pouvoir, nous en aurons une petite part», image-t-il en agitant une barre chocolatée.
Mais les plus jeunes, désabusés, n'y croient pas. Un sondage récent a montré qu'à peine 16% des 18-24 ans sont certains de se rendre dans leur bureau de vote le 7 mai.
Leur découragement est bien perceptible à l'université de Manchester, où le gazon luxuriant tranche avec le dépouillement des maisons mitoyennes de Moss Side.
«Je ne crois pas à ce que disent (les politiques)», lance Dominic Meagher, un étudiant en chimie de 22 ans, qui compte tout de même voter.
- Bastion du Labour -
Beaucoup d'étudiants sont rebutés par le ton du débat politique et se plaignent que les leaders des principaux partis ne parlent pas leur langue.
Certaines de leurs préoccupations sont certes évoquées, comme le service public de santé (NHS) ou les frais universitaires, mais d'autres sont complètement absentes de la campagne, dont l'environnement.
Même la promesse du Labour de réguler les fameux contrats zéro heure, qui ne garantissent ni temps de travail ni revenu et touchent largement les jeunes, n'arrive pas à les convaincre.
D'autres admettent qu'ils n'en ont tout simplement rien à faire.
«Je n'ai jamais voté. Ce n'est juste pas ma tasse de thé», concède Dale Selby, un ouvrier de 26 ans qui rentre chez lui, un kebab fumant entre les mains.
Un désintérêt qui met hors d'elle Sameen Ali, conseillère municipale pour le Labour.
«Si vous ne votez pas alors vous ne pouvez rien dire. Il y a beaucoup d'hommes et femmes politiques qui travaillent à faire changer les choses et qui changent les choses», gronde-t-elle.
Cependant, dans ce bastion du Labour, les rivaux politiques des travaillistes peinent à trouver ne serait-ce que l'énergie de se battre.
«Quoi que vous fassiez à Manchester Central, le résultat est toujours le même», pointe avec dépit John Reid, candidat pour le parti libéral-démocrate, partenaire de coalition des Conservateurs ces cinq dernières années.