Des milliers de Sud-Africains défilent pour dire «à bas la xénophobie!»
"A bas la xénophobie!": plusieurs milliers de personnes ont ...© 2015 AFP
«A bas la xénophobie!»: plusieurs milliers de personnes ont défilé jeudi à Johannesburg pour marquer leur rejet des violences qui ont ciblé ces dernières semaines des immigrés africains en Afrique du Sud et suscité l'indignation à travers le continent.
«Nous, Sud-Africains, sommes désolés de ce qui est arrivé», a expliqué l'évêque pentecôtiste Dulton Adams.
Depuis fin mars, une nouvelle vague d'attaques xénophobes, à Durban (est) et dans la capitale économique Johannesburg, a fait au moins sept morts, sans doute davantage.
Les violences, qui ont réveillé le souvenir des émeutes anti-étrangers de 2008 (62 morts), ont abîmé l'image de la patrie de Nelson Mandela, icône de la lutte anti-apartheid.
«Arrêtez de nous massacrer comme des poulets»: c'est le message écrit sur la pancarte de Brighton Nyoni. Cet immigré zimbawéen vend des glaces aux touristes près de l'ancienne maison de Mandela à Soweto, dans la grande banlieue de Johannesburg.
«Ce jour est un grand jour pour nous pour dire un énorme +Non à la xénophobie+», a jugé de son côté l'évêque.
Pour Anna Sibiya, une manifestante, «ces attaques n'ont aucun sens. Nous devons être unis, et être une seule Afrique.»
Devant la foule, David Makhura, chef du gouvernement provincial du Gauteng (la région de Johannesburg et Pretoria), l'a assuré: «Nous allons vaincre la xénophobie comme nous avons vaincu l'apartheid».
«Cette marche est un message important pour le monde, pour l'Afrique (...) pour montrer que l'Afrique du Sud est un pays de paix pour tous», a-t-il ajouté.
La manifestation, à laquelle participaient aussi des immigrés chinois, a traversé plusieurs quartiers dont le très cosmopolite Hillbrow, où vit une forte communauté africaine: coiffeurs nigérians, vendeurs à la sauvette mozambicains, restaurants éthiopiens.
- 'Vive l'Afrique!' -
Acclamant les marcheurs depuis les balcons, des résidents criaient «Vive l'Afrique!» et prenaient des vidéos.
«Celle-là, je vais la mettre sur Facebook pour montrer aux gens que les Sud-Africains sont contre la xénophobie», affirmait Alazar Tasse, un commerçant éthiopien de 38 ans installé depuis 12 ans en Afrique du Sud.
Il a fermé son échoppe pendant une semaine par peur des agressions. «J'ai rouvert lorsque le roi des Zoulous a parlé», pour dénoncer la violence, dit-il.
Accusé d'avoir provoqué la vague de violence par des propos xénophobes fin mars, le roi zoulou Goodwill Zwelithini a affirmé avoir été mal compris et a appelé ses sujets à la tolérance et à la paix.
Accusée d'inertie face aux attaques xénophobes à répétition depuis 2008, l'Afrique du Sud a finalement décidé cette semaine d'utiliser l'armée et de conduire des descentes de police préventives.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, police et armée ont lancé un raid contre un foyer de travailleurs dans le township d'Alexandra, l'un des plus mal famés de Johannesburg.
C'est là qu'un Mozambicain a été poignardé en pleine rue samedi. Les photos du meurtre, parues en première page d'un grand journal, ont vivement choqué le pays.
A minuit, sous l'oeil de nombreux journalistes, des dizaines de policiers ont pénétré dans le foyer, perquisitionnant chaque chambre dont les habitants ont été tirés du lit, fouillés et alignés au mur dans les couloirs.
Pour un maigre résultat: deux arrestations, l'une pour possession illégale d'uniforme de l'armée et l'autre pour trafic d'alcool.
Si la situation semble se normaliser dans le pays, notamment dans la ville portuaire de Durban où les violences avaient débuté avant Pâques, des milliers d'étrangers ont cependant quitté les townships.
Les uns ont commencé à regagner leurs pays, Zimbabwe, Mozambique et Malawi notamment. Les autres ont rejoint des camps provisoires, ou trouvé refuge hors des quartiers dangereux.
Cette semaine, le président Jacob Zuma a tenté de reprendre l'initiative et de donner des gages à la communauté internationale et notamment aux pays africains, dont proviennent la plupart des victimes.
Mercredi, il a affirmé vouloir s'attaquer sérieusement aux questions d'immigration, alors que le système administratif actuel est accusé de créer des bataillons de sans-papiers faute de traiter les dossiers dans les délais.
Sur fond de frustrations sociales de la majorité noire et de culture de la violence héritée de l'époque de l'apartheid, la violence xénophobe est un problème de taille dans le pays.
Plus de 350 étrangers ont été tués depuis 2008, selon le Centre des migrations africaines de l'université du Witwatersrand, à Johannesburg. Et l'écrasante majorité de ces crimes sont restés impunis.