Rencontre Obama-Castro à Panama: les Cubains émus, mais prudents

Rencontre Obama-Castro à Panama: les Cubains émus, mais prudents

Encore sous le choc de la rencontre historique entre Raul Castro et Barack Obama au Panama, les Cubains s'efforcent de ne pas céder à l'euphorie d'une normalisation imminente des relations avec l'ancien ennemi du nord.
© 2015 AFP

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Encore sous le choc de la rencontre historique entre Raul Castro et Barack Obama au Panama, les Cubains s'efforcent de ne pas céder à l'euphorie d'une normalisation imminente des relations avec l'ancien ennemi du nord.

«Jamais on n'aurait imaginé que cette rencontre soit possible, et encore moins qu'elle puisse se dérouler d'une manière aussi cordiale, franche et respectueuse. Je crois que nous, les Cubains, sommes encore très impressionnés», explique à l'AFP Jorge Luis Pérez, un guitariste de 51 ans qui chante pour les touristes, rencontré dans les rues de la vieille Havane.

Transmises en simultané par la télévision d'Etat, les images mémorables de la rencontre des deux chefs d'Etat en marge du Sommet des Amériques étaient encore dans tous les esprits en ce début de semaine à Cuba, où chacun y allait de son petit commentaire.

Et en tête des images qui ont marqué, figuraient les sourires des deux hommes.

«Ils avaient l'air de deux gentlemen», constate Xiomara Castellanos, très volubile malgré ses 73 ans, illustrant la perception soudaine dans l'île d'un véritable désir mutuel d'«ouvrir de nouvelles relations après tant d'années de conflit».

Cet entretien, suite logique de l'annonce historique du dégel entre La Havane et Washington annoncé le 17 décembre dernier, «était impensable le 16 décembre 2014, voire chimérique en décembre 2013», lorsque les deux chefs d'Etat avaient publiquement posé la première pierre de la réconciliation avec une poignée de main dans un stade de Johannesburg, souligne le portail d'informations pro-gouvernemental Cuba Contemporanea.

- Un enthousiasme mesuré -

Mais passée l'émotion, de nombreux Cubains reprennent les mots de Raul Castro qui, tempérant l'enthousiasme ambiant au Panama, a exhorté les deux pays à «être patients, très patients».

«Il ne faut pas entretenir de faux espoirs», prévient Jorge Broches, responsable d'un hôtel de la capitale cubaine, qui comme pour beaucoup de Cubains fait montre d'une bonne connaissance des problématiques politiques américaines.

«Même si Obama a vraiment l'air honnête et plein de bonnes intentions envers Cuba, il y a des décisions importantes qui ne lui appartiennent pas et qui dépendent du Congrès» américain, comme la levée de l'embargo économique et financier imposé depuis 1962.

La normalisation «ne se fera pas à court terme, mais à long terme», confirme le musicien Jorge Luis Pérez, qui a étoffé son répertoire de chansons américaines pour s'adapter à un nouvel afflux de «gringos».

Pour l'électricien Gregorio Rodriguez, 65 ans, un danger pèse sur cette nouvelle relation «si le gouvernement cubain ne fait rien pour améliorer les droits de l'homme», revendication au cœur des préoccupations de l'administration Obama.

- Prudence... et méfiance -

Alicia Hidalgo a pris acte de ce rapprochement, mais elle se méfie de l'oncle Sam et craint que certains acquis de la révolution de Fidel Castro soient menacés par Washington.

«Je ne crois pas en l'honnêteté d'Obama, et je ne fais pas confiance aux Américains», clame cette employée d'une institution culturelle de 51 ans, qui a sa propre interprétation des évènements.

Barack Obama lui-même a reconnu «que seules les méthodes avaient changé, mais que l'objectif restait la destruction de la révolution».

Si les Américains «débarquent, au début tout sera rose, mais ensuite la jeunesse sera dévorée par les choses matérielles et les vices», prophétise Alicia. «Eux, tout ce qu'ils touchent, ils le corrompent».

A côté d'elle, on est plus bienveillant face aux Américains, et surtout face aux changements que cette nouvelle relation pourrait apporter.

«Je ne veux pas mourir sans voir les deux pays cohabiter civilement, comme doivent le faire tous les pays voisins», s'exclame Jorge Luis Pérez.

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